Madame l’adjointe au Maire d’Aiacciu, chère Simone Guerrini,
Madame la chef de projet de « Racines de ciel », chère Mychelle Leca,
Mesdames et Messieurs les organisateurs des rencontres littéraires,
Mesdames et Messieurs les auteurs,
Mesdames et Messieurs les artistes,
Mesdames, Messieurs,
Mercredi, dans la presse, l’article qui présentait cette onzième édition des Rencontres littéraires méditerranéennes débutait par ces mots : « Un lieu béni des dieux depuis la nuit des temps ». Ces mots ont eu une résonnance particulière dans mon esprit car ils sont ceux que j’utilise souvent pour qualifier la Corse. Une terre, elle aussi, bénie des dieux mais qui n’est pas aussi heureuse qu’elle devrait l’être. Je ne crois pas à la fatalité et à la prophétie qu’aurait lancée le ciel à la mort d’Arrigo Bel Messere : « Corsica, ùn averai mai bè ». Je pense que les politiques successives qui ont été menées en Corse ont conduit à son appauvrissement - pas seulement financier - et à tout ce que cela engendre de difficultés.
Le mal est le même à mon sens pour l’ensemble de l’espace méditerranéen. En 1937, le jeune Albert Camus évoquait la « culture méditerranéenne » depuis la Maison de la culture d’Alger. Ne la réduisant ni à la latinité, ni à un « nationalisme du soleil », il voyait la Méditerranée comme « un pays vivant, plein de jeux et de sourires ». Pour autant, il ne négligeait pas les difficultés notamment liées à la question coloniale. « Il n’y a pas de culture plus ou moins grande, disait-il pudiquement. Il y a des cultures plus ou moins vraies. Nous voulons seulement aider un pays à s’exprimer lui-même ». Ainsi, chez Camus la culture est partout. Elle est sur la peau, comme dans l’expression de la joie. Elle est dans la Grèce antique, dans les turbulences des ports et des quartiers, comme dans les places écrasées par la chaleur et le soleil. Cette culture partagée de part et d’autre de la Méditerranée a souvent été méprisée par les européens.
Au moment de sa construction, l’Europe a négligé le sud et sa partie méridionale. Aussi, lorsque je dois illustrer mes propos au sujet de la Méditerranée, je cite souvent l’exemple de la Grèce qui était un modèle à bien des égards et qui a connu de grandes difficultés dans l’indifférence d’une Europe désormais dominée par le nord.
Madame la chef de projet de « Racines de ciel », chère Mychelle Leca,
Mesdames et Messieurs les organisateurs des rencontres littéraires,
Mesdames et Messieurs les auteurs,
Mesdames et Messieurs les artistes,
Mesdames, Messieurs,
Mercredi, dans la presse, l’article qui présentait cette onzième édition des Rencontres littéraires méditerranéennes débutait par ces mots : « Un lieu béni des dieux depuis la nuit des temps ». Ces mots ont eu une résonnance particulière dans mon esprit car ils sont ceux que j’utilise souvent pour qualifier la Corse. Une terre, elle aussi, bénie des dieux mais qui n’est pas aussi heureuse qu’elle devrait l’être. Je ne crois pas à la fatalité et à la prophétie qu’aurait lancée le ciel à la mort d’Arrigo Bel Messere : « Corsica, ùn averai mai bè ». Je pense que les politiques successives qui ont été menées en Corse ont conduit à son appauvrissement - pas seulement financier - et à tout ce que cela engendre de difficultés.
Le mal est le même à mon sens pour l’ensemble de l’espace méditerranéen. En 1937, le jeune Albert Camus évoquait la « culture méditerranéenne » depuis la Maison de la culture d’Alger. Ne la réduisant ni à la latinité, ni à un « nationalisme du soleil », il voyait la Méditerranée comme « un pays vivant, plein de jeux et de sourires ». Pour autant, il ne négligeait pas les difficultés notamment liées à la question coloniale. « Il n’y a pas de culture plus ou moins grande, disait-il pudiquement. Il y a des cultures plus ou moins vraies. Nous voulons seulement aider un pays à s’exprimer lui-même ». Ainsi, chez Camus la culture est partout. Elle est sur la peau, comme dans l’expression de la joie. Elle est dans la Grèce antique, dans les turbulences des ports et des quartiers, comme dans les places écrasées par la chaleur et le soleil. Cette culture partagée de part et d’autre de la Méditerranée a souvent été méprisée par les européens.
Au moment de sa construction, l’Europe a négligé le sud et sa partie méridionale. Aussi, lorsque je dois illustrer mes propos au sujet de la Méditerranée, je cite souvent l’exemple de la Grèce qui était un modèle à bien des égards et qui a connu de grandes difficultés dans l’indifférence d’une Europe désormais dominée par le nord.
Alors la Méditerranée sombre-t-elle ? On pourrait le croire, ce, d’autant que l’Union Européenne détourne trop souvent les yeux de ce qui se passe en Méditerranée et sur ses rives.
Celle qui a été le berceau de nombreuses civilisations n’est-elle plus qu’une mer de douleurs et de souffrances ? La Méditerranée n’est-elle plus, comme l’a écrit Tahar Ben Jelloun, que la « dernière demeure » de ceux qui cherchent refuge, « le cimetière de tout ce dont ils ont rêvé, le tombeau de toutes leurs espérances » ? Celle qui fût un formidable espace de rencontres et d’échanges est-elle devenue une frontière entre les peuples, un rempart avec l’Europe, une mer de conflits ? Une mer de plastique, aussi ? Y a-t-il encore une Méditerranée heureuse, peut-on encore imaginer la Méditerranée, les Méditerranéens heureux comme pourrait l’être Sisyphe ? Tout au long du week-end vous réfléchirez à ces questions et, à nouveau, la littérature, cet art qui nous passionne, viendra sûrement guider votre réflexion.
Oui, nous devons nous alarmer, que l’on soit responsable politique, auteur ou citoyen, des risques géopolitiques, mais aussi des risques sanitaires, environnementaux et des phénomènes climatiques qui surviennent. Oui, nous devons agir pour que la Méditerranée devienne un espace apaisé et prospère. En ce qui me concerne, je crois que nous pouvons donner corps à cet espoir. Je le crois pour la Méditerranée, comme je le crois pour la Corse. Si nous avions renoncé et nous nous étions résignés, nous ne nous serions pas engagés en politique et nous n’écririons pas. Vous-mêmes, si vous aviez perdu tout espoir, utiliseriez-vous encore votre art ? Notre engagement à tous n’est-il pas celui de ceux qui y croient encore ?
Tout au long de son histoire, la Méditerranée a connu certainement autant d’épisodes tumultueux que de moments heureux. Le traitement de ce sujet dans la littérature en témoigne. Depuis Homère, si certains auteurs l’ont décrite comme une mer de souffrances et de dangers, une mer de l’exil, d’autres en ont fait une muse, un refuge, ont porté un regard magnifié sur elle. La Méditerranée ? « C’est la lumière ! », disait Paul Valéry. Il n’y a pas de lumière sans ombre, nous le savons. Déjà, en 1948, Albert Camus, dont la pensée s’est forgée sur les rives de la Méditerranée, disait : « Les Grecs savaient qu'il y a une part d'ombre et une part de lumière. Aujourd'hui, nous ne voyons plus que l'ombre, et le travail de ceux qui ne veulent pas désespérer est de rappeler la lumière, les midis de la vie. Dans tous les cas, ce à quoi il faut tendre, ce n'est pas à l'achèvement, mais à l'équilibre et à la maîtrise ».
C’est sur cette Pensée de midi chère à Camus que je voudrais terminer. La recherche d’un équilibre doit nous guider, elle doit être notre boussole. Et je crois que tous ici nous sommes animés de la même volonté, rappeler la lumière.
Celle qui a été le berceau de nombreuses civilisations n’est-elle plus qu’une mer de douleurs et de souffrances ? La Méditerranée n’est-elle plus, comme l’a écrit Tahar Ben Jelloun, que la « dernière demeure » de ceux qui cherchent refuge, « le cimetière de tout ce dont ils ont rêvé, le tombeau de toutes leurs espérances » ? Celle qui fût un formidable espace de rencontres et d’échanges est-elle devenue une frontière entre les peuples, un rempart avec l’Europe, une mer de conflits ? Une mer de plastique, aussi ? Y a-t-il encore une Méditerranée heureuse, peut-on encore imaginer la Méditerranée, les Méditerranéens heureux comme pourrait l’être Sisyphe ? Tout au long du week-end vous réfléchirez à ces questions et, à nouveau, la littérature, cet art qui nous passionne, viendra sûrement guider votre réflexion.
Oui, nous devons nous alarmer, que l’on soit responsable politique, auteur ou citoyen, des risques géopolitiques, mais aussi des risques sanitaires, environnementaux et des phénomènes climatiques qui surviennent. Oui, nous devons agir pour que la Méditerranée devienne un espace apaisé et prospère. En ce qui me concerne, je crois que nous pouvons donner corps à cet espoir. Je le crois pour la Méditerranée, comme je le crois pour la Corse. Si nous avions renoncé et nous nous étions résignés, nous ne nous serions pas engagés en politique et nous n’écririons pas. Vous-mêmes, si vous aviez perdu tout espoir, utiliseriez-vous encore votre art ? Notre engagement à tous n’est-il pas celui de ceux qui y croient encore ?
Tout au long de son histoire, la Méditerranée a connu certainement autant d’épisodes tumultueux que de moments heureux. Le traitement de ce sujet dans la littérature en témoigne. Depuis Homère, si certains auteurs l’ont décrite comme une mer de souffrances et de dangers, une mer de l’exil, d’autres en ont fait une muse, un refuge, ont porté un regard magnifié sur elle. La Méditerranée ? « C’est la lumière ! », disait Paul Valéry. Il n’y a pas de lumière sans ombre, nous le savons. Déjà, en 1948, Albert Camus, dont la pensée s’est forgée sur les rives de la Méditerranée, disait : « Les Grecs savaient qu'il y a une part d'ombre et une part de lumière. Aujourd'hui, nous ne voyons plus que l'ombre, et le travail de ceux qui ne veulent pas désespérer est de rappeler la lumière, les midis de la vie. Dans tous les cas, ce à quoi il faut tendre, ce n'est pas à l'achèvement, mais à l'équilibre et à la maîtrise ».
C’est sur cette Pensée de midi chère à Camus que je voudrais terminer. La recherche d’un équilibre doit nous guider, elle doit être notre boussole. Et je crois que tous ici nous sommes animés de la même volonté, rappeler la lumière.