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La contribution du Président de l'Assemblée de Corse au "Ségur de la santé"


La Présidence de l’Assemblée de Corse a été saisie par la Présidente de la CRSA et la Directrice générale de l’ARS Corse aux fins d’apporter sa contribution à la concertation dite « Ségur de la Santé ». Le rapport de Jean-Guy Talamoni a été présenté à la presse ce mercredi 17 juin. Il établit une liste de sept objectifs visant à pallier les carences récurrentes du système de santé corse mais aussi à faire face à de nouvelles crises sanitaires



La nécessaire approche transversale de la santé

La structuration de la concertation en piliers telle qu’elle est présentée, nous parait être une approche de la santé en silos, alors qu’au contraire, il conviendrait d’avoir une vision transversale avec, en corollaire, l’affirmation du modèle de santé que nous envisageons de développer en Corse. Ce modèle est basé sur la valorisation des carrières et des compétences des personnels impliqués dans la santé, une offre adaptée aux besoins de notre population, la justice, la santé comme un droit, l’équilibre territorial, la protection des personnes vulnérables, la préservation du lien intergénérationnel. 
A titre d’exemple, le pilier numéro 4 propose d’aborder la question de l’appui sanitaire des EPHAD et des établissements médico-sociaux. Si le placement en EPHAD des personnes dépendantes peut constituer une nécessité selon les situations, il ne saurait constituer le modèle de référence. D’après nous, le maintien à domicile de la personne, tant que cela est possible, doit être la norme et le placement en EPHAD l’exception, norme qui correspond à une réalité sociale.   
L’approche globale doit être privilégiée, et centrée sur les besoins réels de la population. Par conséquence la concertation sur le sujet de la santé ne saurait se limiter, selon nous, au retour d’expérience de la crise sanitaire, à une période des deux mois et aux seules conséquences de la crise de la COVID. Les solutions doivent être apportées non seulement en tenant compte des conjonctures ou des événements, en améliorant les structures et les organisations, mais surtout en s’inscrivant dans un projet de société.

Une dégradation dénoncée depuis longtemps

Les carences du système de santé en Corse sont dénoncées depuis des années par les personnels et les élus corses. Les conflits sociaux ont ponctué régulièrement le fonctionnement de nos établissements hospitaliers. A ce sujet, on peut retenir, entre autres, les actions récentes du personnel soignant du centre hospitalier de Sartène qui, en janvier 2020, dénonçait des conditions de travail dégradées et le manque d’effectifs. Avant cela, fin 2019, de nombreux mouvements en Corse, comme ailleurs, tels que le collectif inter-urgence par exemple, appelaient à l’amélioration des conditions de travail, et mettaient en cause le sous-dimensionnement des locaux, le manque de personnel. Plus en amont encore, en 2017, des membres de l'hôpital de Bastia entreprenaient une grève de la faim pour dénoncer des suppressions de postes, un manque de matériel et de médicaments. En 2016, l'hôpital de la Miséricorde à Ajaccio pointait du doigt les mêmes difficultés financières et logistiques.
Du côté des patients, un chiffre percutant : 68 % des Corses jugent l’offre de soin de mauvaise qualité en Corse selon une étude réalisée en 2018. La même année pour 72% des Corses, l’organisation sanitaire était la première préoccupation et 65% disaient ne pas avoir confiance dans les structures telles qu’elles se présentaient alors.  Les difficultés récurrentes des structures et celles révélées par la crise sanitaire, même si elles ont été palliées par l’engagement du personnel soignant, sont de nature à accroître cette défiance.
Si ces conflits sociaux ont pris de l’ampleur, c’est parce que le constat et les spécificités corses peinent à être entendus et pris en compte par le Ministère, comme par son niveau déconcentré (ARS). Si le système de soin français a pâti de nombreuses décisions, ou non décisions gouvernementales, la Corse se démarque par le cumul de difficultés. A ce mécontentement, les réponses ont été apportées au coup par coup sans aucune vision globale, ni perspectives. De fait elles n’ont eu qu’une portée limitée et n’ont pas été de nature à réformer et donc améliorer le système.  

Un plan de restauration de la santé en Corse

Ce qui était valable avant le coronavirus, reste d’actualité. Il convient donc d’entreprendre un véritable plan de restauration de la santé en Corse qui, eu égard à la faiblesse démographique et aux caractéristiques géographiques de l’île, ne peut être que global.  Les mesures affectées aux structures sanitaires de manière disparate, et souvent sous la pression, n’ont été que des palliatifs dont les effets dans le temps devaient se révéler très limités. 

Un enjeu de justice sociale

Aujourd’hui, pour de nombreux politiques, la santé constitue un simple secteur économique, un marché. Dans la vision qui est la nôtre, elle est par excellence, un enjeu de justice sociale.
Elle l’est d’autant plus que les inégalités de santé sont la résultante d’une société inégalitaire. Les épidémies et les crises humanitaires révèlent l’étendue des inégalités sociales qu’on tolère en temps « normal », mais qui auront un effet particulièrement délétère sur la santé de la population si des mesures politiques ne sont pas mises en œuvre pour compenser diverses formes de précarité socioéconomique ou de discrimination systémique. On se rend compte que ces vulnérabilités structurelles de santé sont non seulement moralement questionnables du point de vue de la justice - et elles l’étaient bien avant la catastrophe sanitaire- mais elles se révèlent également très coûteuses d’un point de vue purement pragmatique.  
 

Des faiblesses accentuées par un contexte de crise sanitaire

Le document que nous présentons identifie, dans une première partie, les faiblesses permanentes ainsi que celles révélées par la crise de la COVID-19 : des spécificités démographiques et socioculturelles, le phénomène des « déserts médicaux », les structures existantes manquant de moyens financiers et humains. 
C’est dans un contexte dégradé qu’est intervenue la crise sanitaire. Dès le début de la crise, des contraintes extérieures se sont imposées à la Corse. Aux lacunes persistantes se sont ajoutés les problèmes révélés par la pandémie, notamment la lenteur de la prise de décision et la tardive prise en compte de l’insularité. Durant cette période, la Corse a donc été victime non pas d’une seule difficulté mais d’une accumulation de carences du système de santé, des conséquences des « flottements » du gouvernement et des impacts de l’épidémie proprement dite.
Palliant certaines lacunes avérées, de nombreuses initiatives locales ont été prises de la part tant des personnels soignants, des particuliers, des associations, des salariés, des chefs d’entreprises ou des collectivités que des chercheurs et des universitaires.
Nous ne reviendrons pas sur la pénurie de masques qui est un fait incontestable aussi bien au début qu’au cours de la pandémie. Nous retiendrons ici uniquement deux autres faits particulièrement significatifs :  
1/ La sous-capacité en lits de réanimation et en soins intensifs. Grâce à la réactivité des personnels soignants, les possibilités de prise en charge des patients, ont pu être revues à la hausse dans les hôpitaux. Toutefois, elles n’ont pas suffi à aborder sereinement l'arrivée d'une « vague » de patients dont le pronostic vital était engagé, raison pour laquelle 12 patients de l’hôpital d’Ajaccio ont dû être transférés dans des hôpitaux marseillais le 22 mars. Si cette opération « Tonnerre » a été présentée comme l’effet d’une bienveillance particulière à l’endroit de l’île, elle n’était que la conséquence de l’incurie et de l’existence d’une situation discriminatoire pénalisante pour les Corses.
2/ Les demandes formulées par l’ensemble des acteurs de la santé, des chercheurs comme des institutions de la Corse, sur les tests ou la prise en compte de l’insularité n’ont pas reçu un écho positif de la part de l’Etat et de ses services. Il a fallu attendre le 17 mars et le confinement, pour que l'administration d’Etat autorise la restriction des flux de passagers depuis la France et l'Italie. Les tests n’ont été analysés en Corse, qu’à partir du 28 mars alors que nous avions formulé la demande dès la fin du mois de février. 

Sept objectifs

Au-delà du constat et de ce qui aurait pu ou dû être fait, il convient de tirer les enseignements de la crise et de nous donner les moyens non seulement de pallier les carences récurrentes mais aussi de faire face à de nouvelles crises sanitaires. Au cours de la pandémie de la COVID-19 en Corse les initiatives émanant du terrain ont montré leur pertinence. La réactivité et la capacité d’adaptation des personnels soignants, tout secteur confondu, publics ou privés, hospitaliers ou de ville, ont été déterminantes.
C’est pourquoi, dans une seconde partie, nous faisons des propositions qui nous paraissent de nature à améliorer le système de santé et l’offre de soins en Corse. Ces propositions, qui sont au nombre de sept, sont d’ordre structurel et organisationnel. Elles visent à bâtir un système de santé réactif en temps de crise et efficace en « temps normal ». 
Nous demandons : 
  • La construction d’une stratégie territoriale de la santé coordonnée
  • La création d’un CHR-U multi-site et d’une Assistance Publique Corse à conseil de surveillance unique
  • Le transfert de la compétence santé à la Collectivité de Corse. 
  • La valorisation des compétences, des formations et des rémunérations des personnels de santé. Nous souhaitons porter un éclairage particulier sur les personnels des services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) qui n’ont pas démérité pendant la crise et qui ne doivent être les grands oubliés.  
  • L’autonomisation du régime d’assurance maladie ce qui existe déjà en Alsace-Moselle.
  • La reconnaissance du surcoût de fonctionnement des structures hospitalières lié à l’insularité.
  • L’assurance de l’équité dans l’accès aux soins.  
 
 

Télécharger le rapport


Rédigé le Mercredi 17 Juin 2020 modifié le Jeudi 16 Juillet 2020

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