Sgiò Presidente di a Republica francese,
Sgiò Ministru,
Signori Senatori, Signori Deputati,
Sgiò Presidente di u Cunsigliu esecutivu di Corsica,
Signore è Signori i cunsiglieri esecutivi,
Signora Presidente di U Cunsigliu economicu suciale culturale è ambientale di Corsica,
O Sgiò Presidente di l’Assemblea di a Giuventù,
Signore è signori i cunsiglieri à l’Assemblea di Corsica,
Cari Presidenti di e camere cunsulare,
Care elette, cari eletti,
Care tutte, cari tutti,
Monsieur le président de la République, au nom de l’Assemblée de Corse et en mon nom propre, je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle, cœur battant de la vie politique insulaire, que vous visitez pour la première fois. Soyez assuré que la présence du président de la République est toujours un honneur et représente un événement politique majeur dont nous réalisons toute la portée.
En 40 ans d’histoire de cette Assemblée, nous avons eu l’honneur d’accueillir certains de vos prédécesseurs. Ces visites, parfois décisives, parfois moins, se sont inscrites dans un contexte politique, souvent chargé de revendications, relayées par et dans la rue.
***
Monsieur le président de la République, je ne vous apprends rien, si je vous dis que la Corse est un territoire insulaire montagneux, faiblement peuplé, confronté à un cumul de contraintes et de défis géographiques, démographiques, naturels et structurels majeurs, de difficultés sociales, inconnu de toute autre région métropolitaine.
Je ne vous apprends rien, et pourtant, une bonne partie des revendications de reconnaissance de notre singularité part de ce constat, somme toute trivial si peu pris en compte depuis des décennies.
Vous ne découvrez rien non plus, Monsieur le Président, de l’histoire singulière de notre île lorsque vous qualifiez son destin de « méditerranéen », reconnaissant ainsi qu’elle se trouve, de par sa localisation, intimement liée à l’histoire du Mare Nostrum.
De même tout à l’heure lorsque vous commémorerez les 80 ans de la libération de la Corse…
De cette situation géographique objective, découle une relation à la terre et à la mer propre aux peuples insulaires et la constitution au fil des siècles et au gré des soubresauts de l’histoire, d’une culture et d’une identité multiples, tantôt italique, puis française, totalement européenne et avant tout corse, identité qui s’exprime en deux langues : le corse et le français.
Vous connaissez également, Monsieur le Président, l’environnement naturel d’exception et l’étendue de notre biodiversité terrestre et marine, que les Corses ont su protéger au fil des décennies, faisant œuvre de pionniers dans le combat écologiste contemporain.
Cette nature constitue aujourd’hui une richesse, notre richesse, à sauvegarder dans un contexte global de changement climatique et d’indispensable transition écologique.
Malgré cela, les contraintes conjuguées de la discontinuité géographique, du relief et de la faible densité de population, ont pesé et pèsent encore sur le développement économique et social de l’île, rendant inopérants un grand nombre de dispositifs dits de droit commun.
Alors que d’autres îles de l’Union européenne se sont vues doter de statuts à même de gérer la complexité du fait insulaire, alors que le self-government est décliné à l’échelle régionale dans un grand nombre de pays européens, alors que des études ont démontré la relation positive entre niveau de dévolution fiscale et performance économique, sociale ou encore environnementale, il n’a pas été aisé dans notre histoire récente de porter le projet d’une autonomie pour la Corse.
Cette revendication est vieille d’au moins un demi-siècle. Dans ce laps de temps, les évolutions institutionnelles qui se sont succédées se sont révélées trop timides et n’ont jamais permis de compenser ces difficultés structurelles. Elles n’ont jamais pris la pleine mesure de notre souhait de reconnaissance. Pire encore, elles furent arrachées au prix de ce qu’il convient d’appeler un conflit politique meurtrier.
Monsieur le Président, deux générations se sont écoulées depuis les évènements d’Aleria de 1975 et les luttes engagées depuis lors. Nombreux d’entre nous ici sommes les filles et fils de ces premiers autonomistes, de ces premiers nationalistes corses.
Une génération s’est écoulée depuis l’assassinat du préfet Erignac en février 1998, traumatisme collectif qui endeuillât la Corse comme la République.
La jeunesse corse actuelle n’est pas contemporaine de ces évènements et pourtant, c’est elle qui en mars 2022, à la suite de l’assassinat d’Yvan Colonna, a été la première dans la rue pour dénoncer ce qu’elle a considéré comme une énième injustice.
Cette jeunesse, celle de nos enfants, milite aujourd’hui encore contre la spéculation foncière, pour la reconnaissance du peuple corse et la co-officialité de la langue car le ressenti de dépossession est immense.
Cette jeunesse a connu l’immense espoir suscité il y a presque 8 ans par l’élection des nationalistes à la tête de la Collectivité Territoriale de Corse et les quatre scrutins successifs qui ont validé sans détour l’aspiration démocratique des Corses à l’autonomie.
Mais, Monsieur le Président, elle a aussi attendu 7 ans, la prise en compte de cette revendication collective, légitimée par les urnes, légitimée par l’histoire. L’ouverture en juillet 2022 d’un cycle de discussion a ouvert un nouvel espoir.
Cinquante années d’incompréhensions, de frustrations, d’espoirs déçus et de drames individuels et collectifs.
Cinquante années…un demi-siècle….
Il est temps ! Il est grand temps aujourd’hui de donner à cette jeunesse corse, les moyens d’assurer les conditions de sa propre existence, voire de sa survie : faire face aux défis globaux, tout en maintenant vivantes ses valeurs et son identité plurielles dans une Corse apaisée, décomplexée dans sa relation à la République française et passionnément européenne, riche de ses atouts et de ses opportunités de développement durable et inscrite dans son destin méditerranéen.
Monsieur le Président de la République, ce matin, la Corse retient son souffle ! Le Peuple de Paoli connaît bien l’importance d’une Constitution, mais il sait aussi que lorsque celle-ci ne reflète pas la réalité, alors elle n’est plus un outil au service du peuple mais un alibi pour le maintien du statuquo.
Nous attendons vos déclarations avec beaucoup d’espoirs. Cette révision constitutionnelle que l’Assemblée de Corse souhaite dans sa très grande majorité, comme en atteste le vote massif de la délibération Autonomia le 5 juillet dernier, doit permettre à la Corse de rester la Corse et de devenir le territoire autonome qu’elle doit être.
Monsieur le Président, vous avez le pouvoir de solder demain des années de conflit. Vous avez les moyens de marquer l’histoire, celle de la Corse et celle de la France. Mais pour cela il faudra innover !
La Corse n’est pas ingrate : elle garde bien vivante la mémoire de ses alliés et elle tient en estime ceux qui l’ont respectée dans la réalité profonde de son être.
Monsieur le Président, pour notre jeunesse, pour notre avenir, pour l’audace dont nous devons savoir faire preuve dans ce monde incertain, je souhaite de tout cœur que vous soyez de ces hommes qui marquèrent notre histoire.
Pour conclure, j’emprunterai un usage de l’Assemblea di a Giuventù, en citant quelques vers du poète Natale Luciani :
Per stu pezzu di terra
Chì deve fermà nostru
Per stu celu turchinu
È stu mare d'inchjostru.
Per una casa vechja
Ch'ùn vole sprufundà
Per una strada nova
À mez'oscurità
Monsieur le Président, empruntons ensemble cette voie nouvelle pour sortir de l’ombre et marcher vers la lumière.
A ringrazià vi.
Sgiò Ministru,
Signori Senatori, Signori Deputati,
Sgiò Presidente di u Cunsigliu esecutivu di Corsica,
Signore è Signori i cunsiglieri esecutivi,
Signora Presidente di U Cunsigliu economicu suciale culturale è ambientale di Corsica,
O Sgiò Presidente di l’Assemblea di a Giuventù,
Signore è signori i cunsiglieri à l’Assemblea di Corsica,
Cari Presidenti di e camere cunsulare,
Care elette, cari eletti,
Care tutte, cari tutti,
Monsieur le président de la République, au nom de l’Assemblée de Corse et en mon nom propre, je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle, cœur battant de la vie politique insulaire, que vous visitez pour la première fois. Soyez assuré que la présence du président de la République est toujours un honneur et représente un événement politique majeur dont nous réalisons toute la portée.
En 40 ans d’histoire de cette Assemblée, nous avons eu l’honneur d’accueillir certains de vos prédécesseurs. Ces visites, parfois décisives, parfois moins, se sont inscrites dans un contexte politique, souvent chargé de revendications, relayées par et dans la rue.
***
Monsieur le président de la République, je ne vous apprends rien, si je vous dis que la Corse est un territoire insulaire montagneux, faiblement peuplé, confronté à un cumul de contraintes et de défis géographiques, démographiques, naturels et structurels majeurs, de difficultés sociales, inconnu de toute autre région métropolitaine.
Je ne vous apprends rien, et pourtant, une bonne partie des revendications de reconnaissance de notre singularité part de ce constat, somme toute trivial si peu pris en compte depuis des décennies.
Vous ne découvrez rien non plus, Monsieur le Président, de l’histoire singulière de notre île lorsque vous qualifiez son destin de « méditerranéen », reconnaissant ainsi qu’elle se trouve, de par sa localisation, intimement liée à l’histoire du Mare Nostrum.
De même tout à l’heure lorsque vous commémorerez les 80 ans de la libération de la Corse…
De cette situation géographique objective, découle une relation à la terre et à la mer propre aux peuples insulaires et la constitution au fil des siècles et au gré des soubresauts de l’histoire, d’une culture et d’une identité multiples, tantôt italique, puis française, totalement européenne et avant tout corse, identité qui s’exprime en deux langues : le corse et le français.
Vous connaissez également, Monsieur le Président, l’environnement naturel d’exception et l’étendue de notre biodiversité terrestre et marine, que les Corses ont su protéger au fil des décennies, faisant œuvre de pionniers dans le combat écologiste contemporain.
Cette nature constitue aujourd’hui une richesse, notre richesse, à sauvegarder dans un contexte global de changement climatique et d’indispensable transition écologique.
Malgré cela, les contraintes conjuguées de la discontinuité géographique, du relief et de la faible densité de population, ont pesé et pèsent encore sur le développement économique et social de l’île, rendant inopérants un grand nombre de dispositifs dits de droit commun.
Alors que d’autres îles de l’Union européenne se sont vues doter de statuts à même de gérer la complexité du fait insulaire, alors que le self-government est décliné à l’échelle régionale dans un grand nombre de pays européens, alors que des études ont démontré la relation positive entre niveau de dévolution fiscale et performance économique, sociale ou encore environnementale, il n’a pas été aisé dans notre histoire récente de porter le projet d’une autonomie pour la Corse.
Cette revendication est vieille d’au moins un demi-siècle. Dans ce laps de temps, les évolutions institutionnelles qui se sont succédées se sont révélées trop timides et n’ont jamais permis de compenser ces difficultés structurelles. Elles n’ont jamais pris la pleine mesure de notre souhait de reconnaissance. Pire encore, elles furent arrachées au prix de ce qu’il convient d’appeler un conflit politique meurtrier.
Monsieur le Président, deux générations se sont écoulées depuis les évènements d’Aleria de 1975 et les luttes engagées depuis lors. Nombreux d’entre nous ici sommes les filles et fils de ces premiers autonomistes, de ces premiers nationalistes corses.
Une génération s’est écoulée depuis l’assassinat du préfet Erignac en février 1998, traumatisme collectif qui endeuillât la Corse comme la République.
La jeunesse corse actuelle n’est pas contemporaine de ces évènements et pourtant, c’est elle qui en mars 2022, à la suite de l’assassinat d’Yvan Colonna, a été la première dans la rue pour dénoncer ce qu’elle a considéré comme une énième injustice.
Cette jeunesse, celle de nos enfants, milite aujourd’hui encore contre la spéculation foncière, pour la reconnaissance du peuple corse et la co-officialité de la langue car le ressenti de dépossession est immense.
Cette jeunesse a connu l’immense espoir suscité il y a presque 8 ans par l’élection des nationalistes à la tête de la Collectivité Territoriale de Corse et les quatre scrutins successifs qui ont validé sans détour l’aspiration démocratique des Corses à l’autonomie.
Mais, Monsieur le Président, elle a aussi attendu 7 ans, la prise en compte de cette revendication collective, légitimée par les urnes, légitimée par l’histoire. L’ouverture en juillet 2022 d’un cycle de discussion a ouvert un nouvel espoir.
Cinquante années d’incompréhensions, de frustrations, d’espoirs déçus et de drames individuels et collectifs.
Cinquante années…un demi-siècle….
Il est temps ! Il est grand temps aujourd’hui de donner à cette jeunesse corse, les moyens d’assurer les conditions de sa propre existence, voire de sa survie : faire face aux défis globaux, tout en maintenant vivantes ses valeurs et son identité plurielles dans une Corse apaisée, décomplexée dans sa relation à la République française et passionnément européenne, riche de ses atouts et de ses opportunités de développement durable et inscrite dans son destin méditerranéen.
Monsieur le Président de la République, ce matin, la Corse retient son souffle ! Le Peuple de Paoli connaît bien l’importance d’une Constitution, mais il sait aussi que lorsque celle-ci ne reflète pas la réalité, alors elle n’est plus un outil au service du peuple mais un alibi pour le maintien du statuquo.
Nous attendons vos déclarations avec beaucoup d’espoirs. Cette révision constitutionnelle que l’Assemblée de Corse souhaite dans sa très grande majorité, comme en atteste le vote massif de la délibération Autonomia le 5 juillet dernier, doit permettre à la Corse de rester la Corse et de devenir le territoire autonome qu’elle doit être.
Monsieur le Président, vous avez le pouvoir de solder demain des années de conflit. Vous avez les moyens de marquer l’histoire, celle de la Corse et celle de la France. Mais pour cela il faudra innover !
La Corse n’est pas ingrate : elle garde bien vivante la mémoire de ses alliés et elle tient en estime ceux qui l’ont respectée dans la réalité profonde de son être.
Monsieur le Président, pour notre jeunesse, pour notre avenir, pour l’audace dont nous devons savoir faire preuve dans ce monde incertain, je souhaite de tout cœur que vous soyez de ces hommes qui marquèrent notre histoire.
Pour conclure, j’emprunterai un usage de l’Assemblea di a Giuventù, en citant quelques vers du poète Natale Luciani :
Per stu pezzu di terra
Chì deve fermà nostru
Per stu celu turchinu
È stu mare d'inchjostru.
Per una casa vechja
Ch'ùn vole sprufundà
Per una strada nova
À mez'oscurità
Monsieur le Président, empruntons ensemble cette voie nouvelle pour sortir de l’ombre et marcher vers la lumière.
A ringrazià vi.
* Seul le prononcé fait foi