Sgiò Presidente di l’esecutivu,
Signore è signori i cunsiglieri esecutivi,
Signore è signori i cunsiglieri di l’Assemblea di Corsica,
Care tutte, cari tutti,
Ci ritruvemu pè ‘ssu primu ghjornu di ferraghju è, ancu puru se l’auguri sò compii, pregu torna à voi è à i Corsi a salute è a pace.
A salute ghjè fundamentale è preziosa, è senza a salute ùn si face nunda.
Mà, pregà pè a pace ind’è u mondu d’oghje, ùn’hè un affare di pocu !
Pace vole dì : serenità, intesa è campà bè inseme.
In principiu d’annu, a mezu à risoluzioni è speranze, u mo timore ghjè quellu d’ùn vede micca e cundizione pè una vera pace suciale qui è altrò. Ne pace suciale, ne pace pulitica chì quì se cuntinueghja a ripressione.
Dui ghjorni fà, inde cundizione dure, indegne, davanti à zitelli chjuchi, dui militanti naziunalisti sò stati arrestati è trasferiti in Pariggi. Quessa ùn pò durà! Ci vole una suluzione pulitica u più prestu pussibule! È ci vole à custruiscila inseme!
Nous avons quitté 2023 dans le contexte du passage de la Loi sur l’immigration, avec son lot de polémiques, d’oppositions et d’inquiétudes. Nous débutons cette année avec un mouvement agricole d’ampleur qui s’étend dans toute l’Europe.
Nous n’échappons pas à ce contexte car notre condition d’insulaires ne nous rend pas hermétiques aux débats et sujets du monde.
Ainsi, ici aussi, nos agriculteurs descendent dans la rue réclamer plus de reconnaissance et une meilleure prise en compte de leur(s) réalité(s).
Evidemment notre soutien va à ceux qui produisent, nous nourissent, valorisent et habitent nos espaces ruraux, contribuant par leur travail à façonner nos savoirs-faires et notre identité.
Derrière une profession, voire une vocation, qui se sent malmenée dans toute l’Europe, qui se sent déclassée et injustement sacrifiée dans un monde globalisé, se nichent des particularités qui méritent d’être reconnues et défendues. Etre agriculteur en Corse aujourd’hui c’est être confronté à d’autres problématiques que celles exprimées en Allemagne, en Roumanie ou en Pologne.
Pourtant, le mouvement est global et s’oppose aux solutions toutes faites et non adaptées aux réalités de terrain.
D’où l’importance, à mon sens, de bien situer les enjeux qui nous concernent, lorsque nous insulaires prenons part aux débats de ce monde.
Or justement, en ce début d’année, un autre sujet semble “agiter” l’opinion.
L’élément déclencheur a été la publication d’un 4 pages de l’INSEE expliquant l’arrivée en Corse de 7000 personnes environ par an sachant qu’environ 4000 quittent la Corse chaque année. Le constat est donc celui d’une croissance démographique essentiellement due à ce solde migratoire positif de 3 000 personnes par an.
Il n’en fallut pas plus pour déclencher une série de prises de positions politiques, et médiatiques, entretenant confusion voire inquiétudes, important ainsi un certain nombre de préoccupations produites ailleurs, et qui, si l’on y regarde de plus près , n’ont pas lieu d’être chez nous.
Alors me direz-vous, quelles sont les raisons de cet intérêt soudain pour la démographie?
Je vous livre ici 3 motifs qui peuvent à mon sens l’expliquer:
1. Le contexte anxiogène alimenté par des réelles difficultés à se loger et à régler les coûts de la vie domestique.
2. La confusion entretenue par ceux qui désignent l’Autre comme responsable de tous les maux, en particulier l’étranger.
3. Le contexte électoral qui incite à surfer sur des sujets porteurs, porteurs ailleurs, mais importés ici.
Et c’est bien là le problème qui nous occupe, participer aux débats du monde ne devrait pas signifier l’importation rapide de préoccupations d’ailleurs, l’appropiation de contenus tout-faits, sans essayer d’analyser notre propre réalité.
Quand on parle de démographie, il ne faut pas être approximatif mais au contraire savoir entrer dans le sujet, avec les bons mots et les bons chiffres.
Notre croissance démographique repose sur un solde migratoire positif et un solde naturel nul, essentiellement sous l’effet de la croissance du taux de mortalité lié au vieillissement de la population et à une faible fécondité.
Arrivées, départs, mortalité et fécondité, voici les variables de notre équation démographique!
Aussi, si nous devons réellement nous saisir de ce débat, nous ne pouvons le faire uniquement sous le prisme des arrivées, même si nous savons qu’elles continuent à déstabiliser les marchés immobilier et foncier.
Car notre responsabilité, je vous le rappelle, est de prendre des décisions éclairées pour la Corse et oeuvrer ce faisant à la Concorde.
Ainsi par exemple, savoir (projections de l’INSEE à 2070) que nous aurons 240 seniors pour 100 jeunes en Corse en 2040 doit nous interpeller. Quelles politiques publiques pour affronter cette réalité? Quel destin pour un pays “vieux”?
Savoir que les femmes en Corse font moins d’enfants (1,4 enfant en Corse contre 1,8 en France en 2019) doit aussi alerter. Une femme a-t-elle ici comme ailleurs, en France ou en Europe, les mêmes chances en devenant mère? A-t-elle les mêmes accès aux services essentiels? Dans le rural? Dans nos zones périphériques?
Nous ne devons éluder aucun sujet et nous devons les traiter tous sans démagogie aucune.
En Corse, il y a donc entre 7000 et 8000 personnes qui arrivent chaque année.
Première question, qui sont-elles ?
J’aimerais rappeler ici que derrière cette masse informe, stigmatisée souvent pour nous effrayer nous-mêmes, se trouvent des trajectoires aussi variées que peuvent l’être les vies humaines : un saisonnier étranger, qui, après des années à travailler chez nous, choisit de s’y installer, un jeune Corse qui revient à l’issue de ses études, ou d’une partie de sa carrière, deux retraités qui rentrent au village, un fonctionnaire originaire du continent qui réalise une mobilité, d’autres continentaux qui décident de descendre toujours plus au sud.
Deuxième question, parmi ces 7000 combien sont étrangers?
En 2020, sur 7 712 arrivants en Corse, 895 étaient étrangers, dont 534 ressortissants de pays européens et 237 ressortissants du continent africain. Ces derniers représentant 12% des arrivants soit 0,68 millième de la population actuelle.
Troisième question, que font-ils? Ils travaillent. De la main d’oeuvre que l’on trouve sur nos chantiers, dans les cuisines de restaurants, sur nos exploitations agricoles, et dans nos maisons pour faire le ménage, garder nos anciens et qui, si elle partait laisserait derrière elle une économie en crise.
Quatrième question, avons-nous à ce point perdu foi en notre identité pour la croire incapable d’intégrer moins d’un millième de notre population par an ?
Je dis donc attention à ne pas tomber dans le piège de la stigmatisation de l’autre quand il est clair qu’une minorité de ces arrivées concerne des étrangers.
Cinquième question, parmi ces 7000 combien sont Corses?
Difficile de le dire. Ce que nous savons c’est qu’en 2020, 15% des arrivants étaient nés en Corse, certainement de retour après leurs études pour la plupart ou une partie de leur carrière... Mais attention, on peut aussi être Corse et naître ailleurs!
Enfin, et selon moi, la véritable question est celle des 4000 qui partent. Qui sont-ils?
Certainement des jeunes Corses, trop de jeunes !
Un pays vieillissant, des jeunes qui partent, une diaspora qui peine à trouver sa place et à envisager le retour. Il est là surtout là notre drame démographique.
Alors je vous en conjure, ne tombons pas dans le piège de la facilité.
Oui, il existe ici des problèmes et des préoccupations réelles :
Débattons de démographie en posant tous les sujets sur la table et surtout produisons un projet de société enraciné dans les valeurs de Paoli, une communauté exigeante, capable de croire dans son destin et dans sa capacité à se réinventer.
Et soyons lucides. Ne cédons pas aux fantasmes. Nous le devons à nos pères parfois arrivés d’ailleurs et aux générations futures.
A ringrazià vi
Signore è signori i cunsiglieri esecutivi,
Signore è signori i cunsiglieri di l’Assemblea di Corsica,
Care tutte, cari tutti,
Ci ritruvemu pè ‘ssu primu ghjornu di ferraghju è, ancu puru se l’auguri sò compii, pregu torna à voi è à i Corsi a salute è a pace.
A salute ghjè fundamentale è preziosa, è senza a salute ùn si face nunda.
Mà, pregà pè a pace ind’è u mondu d’oghje, ùn’hè un affare di pocu !
Pace vole dì : serenità, intesa è campà bè inseme.
In principiu d’annu, a mezu à risoluzioni è speranze, u mo timore ghjè quellu d’ùn vede micca e cundizione pè una vera pace suciale qui è altrò. Ne pace suciale, ne pace pulitica chì quì se cuntinueghja a ripressione.
Dui ghjorni fà, inde cundizione dure, indegne, davanti à zitelli chjuchi, dui militanti naziunalisti sò stati arrestati è trasferiti in Pariggi. Quessa ùn pò durà! Ci vole una suluzione pulitica u più prestu pussibule! È ci vole à custruiscila inseme!
Nous avons quitté 2023 dans le contexte du passage de la Loi sur l’immigration, avec son lot de polémiques, d’oppositions et d’inquiétudes. Nous débutons cette année avec un mouvement agricole d’ampleur qui s’étend dans toute l’Europe.
Nous n’échappons pas à ce contexte car notre condition d’insulaires ne nous rend pas hermétiques aux débats et sujets du monde.
Ainsi, ici aussi, nos agriculteurs descendent dans la rue réclamer plus de reconnaissance et une meilleure prise en compte de leur(s) réalité(s).
Evidemment notre soutien va à ceux qui produisent, nous nourissent, valorisent et habitent nos espaces ruraux, contribuant par leur travail à façonner nos savoirs-faires et notre identité.
Derrière une profession, voire une vocation, qui se sent malmenée dans toute l’Europe, qui se sent déclassée et injustement sacrifiée dans un monde globalisé, se nichent des particularités qui méritent d’être reconnues et défendues. Etre agriculteur en Corse aujourd’hui c’est être confronté à d’autres problématiques que celles exprimées en Allemagne, en Roumanie ou en Pologne.
Pourtant, le mouvement est global et s’oppose aux solutions toutes faites et non adaptées aux réalités de terrain.
D’où l’importance, à mon sens, de bien situer les enjeux qui nous concernent, lorsque nous insulaires prenons part aux débats de ce monde.
Or justement, en ce début d’année, un autre sujet semble “agiter” l’opinion.
L’élément déclencheur a été la publication d’un 4 pages de l’INSEE expliquant l’arrivée en Corse de 7000 personnes environ par an sachant qu’environ 4000 quittent la Corse chaque année. Le constat est donc celui d’une croissance démographique essentiellement due à ce solde migratoire positif de 3 000 personnes par an.
Il n’en fallut pas plus pour déclencher une série de prises de positions politiques, et médiatiques, entretenant confusion voire inquiétudes, important ainsi un certain nombre de préoccupations produites ailleurs, et qui, si l’on y regarde de plus près , n’ont pas lieu d’être chez nous.
Alors me direz-vous, quelles sont les raisons de cet intérêt soudain pour la démographie?
Je vous livre ici 3 motifs qui peuvent à mon sens l’expliquer:
1. Le contexte anxiogène alimenté par des réelles difficultés à se loger et à régler les coûts de la vie domestique.
2. La confusion entretenue par ceux qui désignent l’Autre comme responsable de tous les maux, en particulier l’étranger.
3. Le contexte électoral qui incite à surfer sur des sujets porteurs, porteurs ailleurs, mais importés ici.
Et c’est bien là le problème qui nous occupe, participer aux débats du monde ne devrait pas signifier l’importation rapide de préoccupations d’ailleurs, l’appropiation de contenus tout-faits, sans essayer d’analyser notre propre réalité.
Quand on parle de démographie, il ne faut pas être approximatif mais au contraire savoir entrer dans le sujet, avec les bons mots et les bons chiffres.
Notre croissance démographique repose sur un solde migratoire positif et un solde naturel nul, essentiellement sous l’effet de la croissance du taux de mortalité lié au vieillissement de la population et à une faible fécondité.
Arrivées, départs, mortalité et fécondité, voici les variables de notre équation démographique!
Aussi, si nous devons réellement nous saisir de ce débat, nous ne pouvons le faire uniquement sous le prisme des arrivées, même si nous savons qu’elles continuent à déstabiliser les marchés immobilier et foncier.
Car notre responsabilité, je vous le rappelle, est de prendre des décisions éclairées pour la Corse et oeuvrer ce faisant à la Concorde.
Ainsi par exemple, savoir (projections de l’INSEE à 2070) que nous aurons 240 seniors pour 100 jeunes en Corse en 2040 doit nous interpeller. Quelles politiques publiques pour affronter cette réalité? Quel destin pour un pays “vieux”?
Savoir que les femmes en Corse font moins d’enfants (1,4 enfant en Corse contre 1,8 en France en 2019) doit aussi alerter. Une femme a-t-elle ici comme ailleurs, en France ou en Europe, les mêmes chances en devenant mère? A-t-elle les mêmes accès aux services essentiels? Dans le rural? Dans nos zones périphériques?
Nous ne devons éluder aucun sujet et nous devons les traiter tous sans démagogie aucune.
En Corse, il y a donc entre 7000 et 8000 personnes qui arrivent chaque année.
Première question, qui sont-elles ?
J’aimerais rappeler ici que derrière cette masse informe, stigmatisée souvent pour nous effrayer nous-mêmes, se trouvent des trajectoires aussi variées que peuvent l’être les vies humaines : un saisonnier étranger, qui, après des années à travailler chez nous, choisit de s’y installer, un jeune Corse qui revient à l’issue de ses études, ou d’une partie de sa carrière, deux retraités qui rentrent au village, un fonctionnaire originaire du continent qui réalise une mobilité, d’autres continentaux qui décident de descendre toujours plus au sud.
Deuxième question, parmi ces 7000 combien sont étrangers?
En 2020, sur 7 712 arrivants en Corse, 895 étaient étrangers, dont 534 ressortissants de pays européens et 237 ressortissants du continent africain. Ces derniers représentant 12% des arrivants soit 0,68 millième de la population actuelle.
Troisième question, que font-ils? Ils travaillent. De la main d’oeuvre que l’on trouve sur nos chantiers, dans les cuisines de restaurants, sur nos exploitations agricoles, et dans nos maisons pour faire le ménage, garder nos anciens et qui, si elle partait laisserait derrière elle une économie en crise.
Quatrième question, avons-nous à ce point perdu foi en notre identité pour la croire incapable d’intégrer moins d’un millième de notre population par an ?
Je dis donc attention à ne pas tomber dans le piège de la stigmatisation de l’autre quand il est clair qu’une minorité de ces arrivées concerne des étrangers.
Cinquième question, parmi ces 7000 combien sont Corses?
Difficile de le dire. Ce que nous savons c’est qu’en 2020, 15% des arrivants étaient nés en Corse, certainement de retour après leurs études pour la plupart ou une partie de leur carrière... Mais attention, on peut aussi être Corse et naître ailleurs!
Enfin, et selon moi, la véritable question est celle des 4000 qui partent. Qui sont-ils?
Certainement des jeunes Corses, trop de jeunes !
Un pays vieillissant, des jeunes qui partent, une diaspora qui peine à trouver sa place et à envisager le retour. Il est là surtout là notre drame démographique.
Alors je vous en conjure, ne tombons pas dans le piège de la facilité.
Oui, il existe ici des problèmes et des préoccupations réelles :
- l’impossibilité pour les Corses de se loger, pour les jeunes en particulier du fait de la spéculation immobilière ;
- un terrible sentiment de dépossession car, y compris pour les classes moyennes, nous sommes en certains endroits dans l’impossibilité d’acquérir un bout de terre et pire, nous serons bientôt contraints de le vendre ;
- un niveau de précarité important ;
- un niveau de diplomation trop faible.
Débattons de démographie en posant tous les sujets sur la table et surtout produisons un projet de société enraciné dans les valeurs de Paoli, une communauté exigeante, capable de croire dans son destin et dans sa capacité à se réinventer.
Et soyons lucides. Ne cédons pas aux fantasmes. Nous le devons à nos pères parfois arrivés d’ailleurs et aux générations futures.
A ringrazià vi
* Seul le prononcé fait foi