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Cycle de séminaires ICPP / "Sonia Moretti, da l'arburi à l'omi" par Denisa Craciun, postdoctorante à l'UMR LISA - Université de Corse, Salle immersive - Corti
Infos pratiques
20250 Corte
Tel : 04 95 45 06 08
Description
Cycle de séminaires ICPP / "Sonia Moretti, da l'arburi à l'omi" par Denisa Craciun, postdoctorante à l'UMR LISA
Mardi 3 décembre à 14h Université de Corse, Salle immersive - Corti Sonia Moretti, Da l’arburi à l’omi Dans la tradition corse, après la naissance d’un enfant, on enterrait le placenta au pied d’un arbre, soit dans le jardin, soit tout près de la maison. Par ce geste, ancestral, magique, l’enfant et l’arbre devenaient frères. « L’arbre-frère » des poètes, du monde entier et de tout temps, témoigne du lien de parenté spirituel entre l’arbre et l’homme. Consubstantielle à l’espace, la poésie fait de l’arbre, non seulement un frère, mais encore un alter ego de l’être humain. La symbiose entre l’arburu è l’omu est l’un des thèmes essentiels de la poésie de Sonia Moretti, professeur de langue corse et auteure de trois recueils (jusqu’à présent) de poésie en langue corse : U lavoru/di u tempu/ci face maturà/cum’è una frutta/quandu u sole/coce zuccaru/u so suchju…/ci lamperà a/morte/in terra,/mancu si sà/duve nascerà/issu ventu… » (Puesie di a curtalina, Albiana/CCU, 2009, p.62). Il y a un commencement - nous dit le poème - et une fin, et entre ces deux bouts de la vie, il y a un âge d’épanouissement où l’homme-arbre donne ses fruits. Enracinée dans la terre d’une enfance vécue au village (Sonia a passé ses vacances chez ses grands-parents, dans les villages de Lentu et d’Ortale d’Alisgiani), sa poésie surprend par la simplicité du regard (« Iss’arburu/ch? m’hà cunnisciuta zitella/l’aghju cunnisciutu/chjarasgiu », ibid. p. 55), par la sensitivité des images (« Ch’elli ùn tagliessinu/mai e chjalze…/ Ùn ci serebbe più/bracce/per azzicà i sguardi/lindi di i ciocci » , ibid. p. 52), par sa capacité de surprendre (« In campusantu/anu tagliatu l’arburi/è per ciò/anu pientu ancu i morti », ibid. p.136), par sa touchante douceur (« Ùn aghju nutizie/di quella noce anticona,/ci vole ch’o colli/à infurmà mi/scott’à la so ombra vechja », ibid. p.148), par ses effusions lyriques («Ch? tristezza/un castagnu/stracquatu/in la filetta…/ch’elli stianu/arritti/i castagni/pè prupone/un quadru d’ombra/è di filetta/à u stracquà », ibid. p.151) et par ses injonctions (« Ùn circate/à carizzà l’acelli/sò cose quesse/pè e fronde lucente/di l’alivi » (ibid. p. 152). Chez Sonia, l’image de l’arbre est souvent associée à celle de l’oiseau. La poète nous conseille de ne pas essayer à « caresser les oiseaux », tout simplement parce que ce n’est pas à nous de faire ce geste de tendresse, mais au « feuillage luisant des oliviers ». Symbole de l’âme, l’oiseau doit rester pur, libre, indomptable, semble nous dire la poétesse, qui s’adresse aussi aux arbres : « Sott’à e to rame/ancu Buddà/si vulerebbe/addurmintà torna,/o castagnò » (ibid. p. 155). Ses poèmes nous mettent sous les yeux toute une cohorte de cerisiers, mûriers, châtaigniers, oliviers, noyers. Également, nous y voyons le ciste (« duie zitelle/carezzanu a/pernice morta…Cum’ella hè dolce/ dicenu…/cus? pensava u muchju », ibid. p. 201). Et nous apercevons le houx, qu’on a terrassé au nom d’une tradition meurtrière (« Pè ch? Natale ingordu/è pratensiunutu/l’averanu tombu/quellu caracutu ? », ibid. p. 182). Essayant d’ouvrir les yeux de l’âme de ses frères humains, elle continue de raconter l’histoire de cet arbrisseau méditerranéen, qui partage le triste sort des sapins, eux aussi massacrés chaque année, à Noël : « L’anu strappatu/pè purtà lu/sdradicatu è anonimu/nant’à i mercà spampillanti/di issi Natali techji/l’anu zingatu focu/disvitatu u locu/è tandu/mancu a radica/a s’hà franca :/di u caracutu/nunda ci ferma/quassù/solu un ricordu/prontu à spenghje/cù issi passi novi/chì ghjunghjenu:/senza memoria… » (ibid. p. 183). À qui sont-ils « ces pas nouveaux qui arrivent sans mémoire » ? Ce sont les pas de ces hommes oublieux (des rites de leurs ancêtres pour lesquels les arbres étaient sacrés et la nature habitée par des forces mystérieuses, miraculeuses), de ces hommes trop centrés sur une « logique » aveugle, destructrice : « Duv’ella hè l’umana logica/nunda resiste, nunda./A sò ch? quand’elli anu da cummincià i lavori/culà/anu da spiantà dui arburi./Sò giganti sapete./Ch? sà ch? forze chjuccute l’anu mantenuti arriti/superbii à mezu à e macagne citatine è i velenisorii. Fattu si stà. Sin’ora u so suchju hà sapittu innacquà è mantene/e so carcazze altiere/preghera longa/tenendu alta a catedrale/è frà i vitraglii fini di dentella à fronda fatta/ci scrumpiate u celu ancu più bellu/Dio sà ch? ombre aghjumpate ci sò venute sottu quand’era piossa zeppa/siccati da una sentenza:/eccu cum’elli falanu i giganti un ghjornu/è cun elli u miraculu astutu ch? i tenia arritti » (Sonia Moretti, poème publié dans Musa d’un populu. Florilège de la poésie corse contemporaine, sous la direction de Norbert Paganelli, Editions Le bord de l’eau, pp. 322-325). Dans ce poème issu d’un regard lucide, qui pourtant n’a rien à voir avec le raisonnement, l’arbre est représenté comme étant l’expression même de la vie. « Longue comme une prière », la sève-sang garde débout la « cathédrale » du corps. Mais voilà qu’un jour, sous les coups de la hache, la cathédrale verdoyante s’effondrera : « Eccu cum’elli falanu i giganti un ghjornu/è cun elli u miraculu astutu ch? i tenia arritti » (ibidem). Très attachée à sa chère « île aux arbres », Sonia nous rappelle que toute forme de vie est sacrée, qu’elle est porteuse des mystères du vivant. Plus d'infos sur le site. |
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