Depuis de nombreuses années, le corse a investi de nouveaux domaines d’usage aussi bien dans le domaine de la création que dans celui des institutions ou des médias. Pour autant, le déclin de l’usage spontané de la langue comme celui de la transmission familiale est de plus en plus palpable. Ce sentiment de perte est même corroboré par l’UNESCO qui présente le corse comme une langue en danger qu’il faut sauver. Ce double mouvement mérite d’être mieux analysé. Pour cela, nous devons disposer de véritables données scientifiques indiquant la vitalité réelle de la langue. Euromosaic avait enquêté à ce sujet en 1998, suivi de près par l’INED et l’INSEE en 1999. Cependant, les importantes évolutions démographiques dues au solde migratoire ainsi qu’au vieillissement de la population nous laissent présumer de l’obsolescence des résultats obtenus. En outre, un certain nombre de biais avaient été relevés par la communauté scientifique. On y nota que la socialisation dans un milieu corsophone ne garantissait pas une pratique régulière du corse à l’âge adulte, sans vérifier ni l’intensité de l’exposition enfantine ni les compétences linguistiques réelles de l’individu enquêté. On aurait davantage mesuré le désir de la langue que la pratique réelle. Par la suite, l’Université de Corse a réalisé des études quantitatives sectorielles intéressantes auprès des collégiens ou bien des parents d’élèves puis récemment une enquête sur l’usage du corse dans la rue. Néanmoins, nous ne disposons d’aucune grande enquête quantitative telle qu’elles peuvent être développées dans les régions mettant en œuvre des politiques publiques en faveur de la revitalisation de leur langue. Celles-ci mesurent l’évolution du nombre de locuteurs réceptifs et bilingues chez les adultes, la transmission dans le milieu familial, la qualité de l’environnement linguistique, les opinions quant aux politiques menées… Ainsi, pour la période 2007-2013, le plan voté le 26 juillet 2007 prévoit la construction d’un espace social pour la langue corse. Il s’articule autour de deux axes forts : Rehausser le niveau des compétences et des pratiques individuelles Dynamiser l’environnement linguistique A l’instar de la feuille de route présentée en juillet 2011 par Pierre Ghionga, il était prévu de réaliser des enquêtes sociolinguistiques afin d’évaluer le niveau de corsophonie et l’impact de la politique linguistique sur celle-ci. Puisse cette enquête nous aider à appréhender objectivement cet enjeu fort pour notre île et à construire un consensus autant éclairé qu’apaisé par-delà les clivages et les idées reçues.
Mesurer la vitalité de la langue et l’efficacité des politiques publiques
Il est aujourd’hui indispensable de mesurer l’usage de la langue pour au moins deux raisons. D’une part, parce que le corse appartient à la fois au patrimoine immatériel de l’île et de l’humanité et qu’il incombe à nous seuls de mettre en œuvre tous les moyens juridiques, pédagogiques, terminologiques, psychologiques, financiers… nécessaires à sa sauvegarde et à son expansion. D’autre part, parce que la politique impulsée par la CTC afin d’assurer un accès bilingue aux services publics aux citoyens corsophones doit être évaluée.
Etre au plus près des réalités pour accompagner les locuteurs selon les besoins de chacun
Certes, le processus de coofficialisation et de réappropriation sera long et c’est bien parce que son efficacité dépend de son adéquation avec le capital humain de l’île qu’il nous faut connaitre précisément son état, à l’heure où l’on pose les fondations d’une nouvelle donne linguistique. S’il a fallu plusieurs générations pour que le français s’installe en Corse, il faudra du temps pour que la société corse recouvre et vive pleinement sa bilingualité. Le bilinguisme équilibré, c’est une remise en cause à la fois de ce que l’on est et de ce que sont les autres. Plus encore qu’une question linguistique ou exclusivement éducative, il s’agit d’un enjeu sociétal afin de mieux vivre notre identité dans toute sa complexité et ses potentialités humaines, culturelles, économiques aussi. C’est pour cela qu’il nous faut dès aujourd’hui évaluer à la fois les représentations que les Corses se font de leur langue, leurs compétences réelles et déclarées, ainsi que les usages qu’ils en font ou qu’ils souhaiteraient en faire. Les résultats seront publiés avant la Noël, constituant ainsi une base d’aide à la décision en vue de la préparation de la nouvelle planification Lingua 2020.
Les dimensions de la vitalité de la langue : compétences, attitudes et pratiques
Une enquête sociolinguistique n’est pas un examen géant évaluant le niveau des citoyens dans une langue donnée. Il n’est en effet pas suffisant de connaitre l’état des compétences linguistiques de la population pour en déduire l’usage qu’elle en fait. La pratique dépend des représentations mais aussi du désir de langue et des opportunités, des situations offertes à chacun.
L’enquête s’intéressera à ces trois dimensions qui interagissent ensemble : compétences, représentations/attitudes et usages. Les exemples en ce domaine sont légion. Durant le siècle dernier, combien de parents corsophones ont-ils fait le choix de parler exclusivement français à leurs enfants ? Cette attitude envers le corse et l’usage du français relevait d’une représentation hiérarchisée des langues, plutôt que d’un défaut de compétences en corse. Au contraire, n’observe-t-on pas depuis une quarantaine d’années des personnes qui du fait d’un renversement de l’image négative autrefois attribuée au corse, font preuve d’une motivation sans égal dans son apprentissage ? Cela dit, la réussite pleine et entière de cette entreprise ne saurait se confiner à cette épreuve individuelle. Une langue, c’est aussi un bien collectif que l’on fait vivre dans l’interaction sociale spontanée. A ce titre, l’environnement linguistique est décisif et crée les conditions de l’usage. Or si un piètre anglophone s’exprimera tant bien que mal en anglais une fois arrivé à Londres, dans une société bilingue, le niveau du locuteur dans la langue minoritaire doit atteindre un seuil de compétences et de confiance supérieur à celui requis pour s’exprimer dans une société monolingue. Des représentations hautes d’une langue minorée conduisent parfois à de l’hypercorrection et ainsi à des attitudes linguistiques contraires à celles recherchées par l’individu et la société.
Un sondage bilingue
Au-delà de l’étude de ces dimensions qui est un standard en ce domaine, la particularité de notre enquête sera sa réalisation bilingue. Ainsi les enquêteurs pourront vérifier in vivo le niveau réel, exprimé ou désiré en langue corse de la personne contactée par téléphone. L’échantillon représentatif de la population sera composé d’environ 500 personnes auxquelles les enquêteurs poseront au maximum 39 questions déclinées selon le schéma suivant mais néanmoins adaptées au profil de chacun : Compétences linguistiques de l’individu enquêté Transmission familiale héritée et pratiquée Choix scolaires Usages du corse en famille Attitudes à l’égard de la langue Opinion quant aux politiques publiques Pratiques linguistiques (réseaux sociaux, milieu professionnel, entourage, médias…) Limites et perspectives de l’enquête
Elle ne s’intéresse pas directement aux moins de 15 ans, ceux qui constituent pourtant la cible privilégiée des politiques publiques. Des questions seront cependant posées aux parents d’élèves afin de mieux connaitre les origines, les motivations et les résultats de leurs choix scolaires. D’autres enquêtes plus approfondies cibleront les plus jeunes. Ce qui nous importe à l’heure actuelle, c’est le niveau de compétence auquel les jeunes seront amenés à l’issue de leur scolarité et l’usage que ceux-ci feront du corse une fois parvenus à l’âge adulte dans leur activité professionnelle mais aussi auprès de leurs enfants ou dans le cadre de leurs loisirs. Les Corses de la diaspora ne pourront pas non plus être sondés, mais cela n’empêche pas la CTC de s’engager dès à présent aux côtés de nombreuses associations du continent afin de les aider à maintenir le lien avec leur langue.
Mesurer la vitalité de la langue et l’efficacité des politiques publiques
Il est aujourd’hui indispensable de mesurer l’usage de la langue pour au moins deux raisons. D’une part, parce que le corse appartient à la fois au patrimoine immatériel de l’île et de l’humanité et qu’il incombe à nous seuls de mettre en œuvre tous les moyens juridiques, pédagogiques, terminologiques, psychologiques, financiers… nécessaires à sa sauvegarde et à son expansion. D’autre part, parce que la politique impulsée par la CTC afin d’assurer un accès bilingue aux services publics aux citoyens corsophones doit être évaluée.
Etre au plus près des réalités pour accompagner les locuteurs selon les besoins de chacun
Certes, le processus de coofficialisation et de réappropriation sera long et c’est bien parce que son efficacité dépend de son adéquation avec le capital humain de l’île qu’il nous faut connaitre précisément son état, à l’heure où l’on pose les fondations d’une nouvelle donne linguistique. S’il a fallu plusieurs générations pour que le français s’installe en Corse, il faudra du temps pour que la société corse recouvre et vive pleinement sa bilingualité. Le bilinguisme équilibré, c’est une remise en cause à la fois de ce que l’on est et de ce que sont les autres. Plus encore qu’une question linguistique ou exclusivement éducative, il s’agit d’un enjeu sociétal afin de mieux vivre notre identité dans toute sa complexité et ses potentialités humaines, culturelles, économiques aussi. C’est pour cela qu’il nous faut dès aujourd’hui évaluer à la fois les représentations que les Corses se font de leur langue, leurs compétences réelles et déclarées, ainsi que les usages qu’ils en font ou qu’ils souhaiteraient en faire. Les résultats seront publiés avant la Noël, constituant ainsi une base d’aide à la décision en vue de la préparation de la nouvelle planification Lingua 2020.
Les dimensions de la vitalité de la langue : compétences, attitudes et pratiques
Une enquête sociolinguistique n’est pas un examen géant évaluant le niveau des citoyens dans une langue donnée. Il n’est en effet pas suffisant de connaitre l’état des compétences linguistiques de la population pour en déduire l’usage qu’elle en fait. La pratique dépend des représentations mais aussi du désir de langue et des opportunités, des situations offertes à chacun.
L’enquête s’intéressera à ces trois dimensions qui interagissent ensemble : compétences, représentations/attitudes et usages. Les exemples en ce domaine sont légion. Durant le siècle dernier, combien de parents corsophones ont-ils fait le choix de parler exclusivement français à leurs enfants ? Cette attitude envers le corse et l’usage du français relevait d’une représentation hiérarchisée des langues, plutôt que d’un défaut de compétences en corse. Au contraire, n’observe-t-on pas depuis une quarantaine d’années des personnes qui du fait d’un renversement de l’image négative autrefois attribuée au corse, font preuve d’une motivation sans égal dans son apprentissage ? Cela dit, la réussite pleine et entière de cette entreprise ne saurait se confiner à cette épreuve individuelle. Une langue, c’est aussi un bien collectif que l’on fait vivre dans l’interaction sociale spontanée. A ce titre, l’environnement linguistique est décisif et crée les conditions de l’usage. Or si un piètre anglophone s’exprimera tant bien que mal en anglais une fois arrivé à Londres, dans une société bilingue, le niveau du locuteur dans la langue minoritaire doit atteindre un seuil de compétences et de confiance supérieur à celui requis pour s’exprimer dans une société monolingue. Des représentations hautes d’une langue minorée conduisent parfois à de l’hypercorrection et ainsi à des attitudes linguistiques contraires à celles recherchées par l’individu et la société.
Un sondage bilingue
Au-delà de l’étude de ces dimensions qui est un standard en ce domaine, la particularité de notre enquête sera sa réalisation bilingue. Ainsi les enquêteurs pourront vérifier in vivo le niveau réel, exprimé ou désiré en langue corse de la personne contactée par téléphone. L’échantillon représentatif de la population sera composé d’environ 500 personnes auxquelles les enquêteurs poseront au maximum 39 questions déclinées selon le schéma suivant mais néanmoins adaptées au profil de chacun : Compétences linguistiques de l’individu enquêté Transmission familiale héritée et pratiquée Choix scolaires Usages du corse en famille Attitudes à l’égard de la langue Opinion quant aux politiques publiques Pratiques linguistiques (réseaux sociaux, milieu professionnel, entourage, médias…)
Elle ne s’intéresse pas directement aux moins de 15 ans, ceux qui constituent pourtant la cible privilégiée des politiques publiques. Des questions seront cependant posées aux parents d’élèves afin de mieux connaitre les origines, les motivations et les résultats de leurs choix scolaires. D’autres enquêtes plus approfondies cibleront les plus jeunes. Ce qui nous importe à l’heure actuelle, c’est le niveau de compétence auquel les jeunes seront amenés à l’issue de leur scolarité et l’usage que ceux-ci feront du corse une fois parvenus à l’âge adulte dans leur activité professionnelle mais aussi auprès de leurs enfants ou dans le cadre de leurs loisirs. Les Corses de la diaspora ne pourront pas non plus être sondés, mais cela n’empêche pas la CTC de s’engager dès à présent aux côtés de nombreuses associations du continent afin de les aider à maintenir le lien avec leur langue.