"Ùn ci pò esse avvene per a Corsica, senza a voce di a giuventù."


Ouverture des Assises de la Jeunesse le 10 décembre 2020 à Aiacciu.



Cari tutti,

Je tiens tout d’abord à excuser le Président de l’Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni que je représente ce matin.
S’è no simu presenti davanti à voi, ghjè perchè voi cum’è noi, noi cum’è voi, simu cunvinti chì a ghjuventù ghjè una prumessa, ghjè un spiritu, ghjè un bisognu d’esiste, di trimà di u so core è di tutti i so cuntorni. 

Je lisais hier soir le témoignage de Léo Micheli recueilli récemment par Dominique Lanzalavi. Dernier chef de la Résistance corse encore en vie, il évoque le « malheur d’être jeune » pendant l’entre-deux-guerres. Il explique combien son engagement de jeune communiste pour la Corse s’inscrivait dans un combat paoliste pour la liberté, pour la défense des plus faibles. Je crois qu’il faut le lire, et comprendre combien ce combat doit être renouvelé, par les menaces qui ne s’appellent plus fascisme ou Mussolini, Vichy ou Pétain, mais qui peuvent créer un monde plus obscur encore en s’appuyant sur les peurs, sur le ressentiment, sur les technologies et notre besoin de sécurité.

De tout temps, de Léo Micheli à Greta Thunberg, la jeunesse a besoin de prendre la parole. La Corse vous la donne. De Jan Palach immolé à Prague en 1969, à Ghjuvan’Battista Acquaviva assassiné en 1987, la prise de parole a prix des formes différentes, parfois tragiques. Je pense à l’émotion, aux prises de parole, et aux mobilisations des institutions corses provoquées par l’assassinat de Massimu Susini. Notre pays a besoin d’apaisement et de concorde.
 
Avemu bisognu di a vostra voce. Ùn ci pò esse avvene per a Corsica, senza di a vostra voce. Ce choix que nous faisons, il est fondamental. J’en veux pour preuve l’Assemblea di a Giuventù qui participe activement à la vie politique de notre île, et dont certains d’entre vous font ou feront peut-être partie. En tous cas, je le souhaite et je vous y invite.

Ciò chè vo dite, ciò chè vo fate arricchisce e nostre scelte. Ci guida, ci chjama, ci move è ci cummove.
Longu à sta ghjurnata, averete da riflette nant’à e grande mutazione chè ne simu i testimonii è chì sò tante sfide da fà fronte è chì ci tocca à anticipà inseme.

Ci n’hè à buzeffu : urgenza climatica è eculogica vutata da l’Assemblea di Corsica, rivuluzione numerica è tennulogica, intelligenza artificiale è robotica, diversità linguistica è culturale, crescita di l’inugualità, u tuttu in un cuntestu ineditu di crisa sanitaria mundiale.

Oghje, tuttu hè mundiale : la Covid, l’économie, la politique, la culture, de Lady Gaga à Allindì, Allindì, notre Netflix corse, qui rend nos productions audiovisuelles accessibles partout dans le monde.

Si tout est mondial, trois choix s’offrent à nous. Nous pourrions habiter le monde avec notre téléphone ou notre télécommande et consommer dans la mesure de nos moyens. Alors c’est le monde qui nous habitera et qui nous commandera. Nous pourrions aussi choisir d’aller contre le monde, mais nous serions condamnés à tout perdre. On ne construit pas le bonheur sur du ressentiment. Le troisième choix que je défends nous conduit à habiter le monde, à le nommer, et à le dessiner. Ca peut paraitre ambitieux, mais c’est une question de nécessité et de dignité. Nul homme ne peut se contenter de consommer. Il doit créer, inventer, partager, aimer, sublimer son héritage et le transmettre. Nos enracinements comportent des devoirs. La reconnaissance est un besoin, être soi-même est une quête qui passe nécessairement par l’éducation et la culture. Léo Micheli, Jean Nicoli, Fred Scamaroni, Madeleine Ettori, Madeleine Pinelli et leurs amis auraient pu attendre que la Corse soit libérée, mais « ils ont voulu être des vainqueurs ».  
L’urgence climatique votée par notre Assemblée fait de l’écologie l’élément central de nos prises de décisions. La détérioration de notre environnement est une réalité qu’il faut combattre pour la sauvegarde de notre écosystème, sans lequel la vie ne serait tout simplement pas possible. « Nous n’héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants », ce proverbe, repris par Antoine de Saint-Exupéry, traduit parfaitement les devoirs de chacun.

A cela s’ajoute la vitesse à laquelle les changements sociétaux s’opèrent, notamment à l’ère du numérique. Formidable instrument pour accéder à la connaissance, pour maintenir le lien avec les plus fragiles – notamment, nous l’avons vu, durant cette période de crise sanitaire-, il regorge de potentialités dans le secteur de la santé, de l’ingénierie verte, de la production locale, il est aussi au centre des villes intelligentes.

Ma avemu pigliatu l’usu di cunfonde prugressu è nuvità. U veru prugressu deve esse ammansatu, ammaestratu, à prò d’un prugettu di ghjustizia suciale, di difesa di l’ambiu, d’accessu à a salute è à a cultura.

L’outil numérique est indispensable aujourd’hui, c’est pourquoi, je me réjouis que le thème de la précarité numérique soit également au cœur de vos échanges.

De ces deux premiers sujets évoqués, découleront des transformations au niveau des emplois. Là encore, l’anticipation est de mise, et la formation, absolument capitale.

La tâche est immense.

Le monde est balayé par des satellites qui produisent des cartes, mais le temps des grandes découvertes et des explorateurs est peut-être devant nous. La nécessité de voyager, non pas de faire du tourisme organisé, mais de voyager, est peut-être encore plus intense aujourd’hui. Andate, andate luntanu, anderete à scopre l’altri è voi stessi, truverete cosa c’hè di più prufondu in voi, truverete ciò chì ghjè essenziale. La science repousse chaque jour les limites du « monde » connu vers l’infiniment grand et l’infiniment petit.

Vous avez le choix entre passer votre vie à regarder défiler les flux des réseaux sociaux, où tout se vaut, où tout est urgent car incessant, de la dernière trumperie, à l’information étayée, en passant par la blague de l’un de vos amis ; ou bien vous pouvez passer votre vie à l’inventer, inventate a vostra vita. Ancu l’amicizia, quella chè no scuntremu pocu in a nostra vita, è l’amicizia chè vo truvate pichjendu nant’à u screnu pretendenu esse pare. Les mots perdent de leur sens, la vérité est bousculée. La science est remise en question par les fake news, par l’ère de la post-vérité. Le buzz ou la popularité sont des faits réels, mais les nombres et la masse ne sont pas en mesure d’établir la vérité.

Votre rôle, notre rôle, réside dans le fait de devoir faire des choix, maintenant. Pour ma part, je crois que la voie à emprunter est avant tout celle de l’éducation, de l’esprit critique, de la curiosité. Car pour répondre à toutes ces problématiques, il faut s’interroger, s’informer, être curieux.

Dans ce rôle de transmission de savoirs et d’éveil de notre curiosité, l’enseignant ouvre pour son élève une première fenêtre sur la société, il lui permet de porter un regard différent sur le monde, de se l’approprier pas à pas, d’en saisir les enjeux. C’est aussi cela que vous apporte la mobilité internationale dont vous parlerez plus tard, et qui constitue un véritable atout dans la construction de votre personnalité. L’enseignant doit transmettre des savoirs, mais plus encore, le savoir vivre dans l’incertitude. L’Ecole doit apprendre à aimer l’incertitude, à ghjucà, à campà cù l’incertezza, alors que la science exacte, dure, diffuse parfois une idée radicale, accomplie, une représentation fausse de la vérité qui fait basculer notre monde dans l’ignorance. La science n’est pas la vérité, mais sa recherche, ce n’est pas l’art de trancher, mais l’art d’aiguiser. Hà dettu Montaigne chì u zitellu ùn hè micca un vasettu o una zucca da empie. Hè un focu da piccià.

Enfin, je rappellerai l’importance de toujours conserver son libre arbitre. S’è a scelta di dà vi a parolla viaghja cù i so pedi, vogliu compie cù quelle di Sant’Augustinu chì dicia : « Camina, camina nant’à a to strada perchè ùn esiste chè in a to marchja ». Bisognu à marchjà. Marchjate puru nant’à a vostra strada è bella serà.

À ringrazià vi.  
 

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Rédigé le Jeudi 10 Décembre 2020 modifié le Jeudi 17 Décembre 2020

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