Une crise qui accentue la prise de conscience
Comme le rappelait il y a quelques années déjà Edgar Morin, la crise de 1929 a eu deux types différents de conséquences aux Etats-Unis et en Allemagne : le New Deal dans le premier cas, le national-socialisme dans le second. L’auteur allait plus loin : évoquant l’hypothèse d’une nouvelle crise mondiale, il estimait qu’à défaut d’un « New Deal civilisationnel », le danger serait grand de connaître à nouveau de conséquentes dérives.
Cette nouvelle crise mondiale est advenue, sous une forme nouvelle et inattendue. Alors qu’elle est toujours en cours, nombreuses sont les voix qui s’élèvent aujourd’hui pour réclamer un changement radical de nos modes de vie. Même si la nécessité de ce changement apparaissait bien avant la crise du Covid-19, celle-ci peut avoir pour conséquence d’accélérer la prise de conscience, d’autant que l’hypothèse d’un retour à la situation antérieure paraît difficile à imaginer, tant seront importantes les conséquences humaines, sanitaires, économiques, sociales, voire anthropologiques. Le moment est donc venu de concevoir ce New Deal, ce défi inédit, issa Sfida Nova.
Quel que soit le nom qu’on lui donnera, cette démarche devra être élaborée et mise en œuvre dans l’urgence. Toutefois, nous ne partons pas de zéro.
Cette nouvelle crise mondiale est advenue, sous une forme nouvelle et inattendue. Alors qu’elle est toujours en cours, nombreuses sont les voix qui s’élèvent aujourd’hui pour réclamer un changement radical de nos modes de vie. Même si la nécessité de ce changement apparaissait bien avant la crise du Covid-19, celle-ci peut avoir pour conséquence d’accélérer la prise de conscience, d’autant que l’hypothèse d’un retour à la situation antérieure paraît difficile à imaginer, tant seront importantes les conséquences humaines, sanitaires, économiques, sociales, voire anthropologiques. Le moment est donc venu de concevoir ce New Deal, ce défi inédit, issa Sfida Nova.
Quel que soit le nom qu’on lui donnera, cette démarche devra être élaborée et mise en œuvre dans l’urgence. Toutefois, nous ne partons pas de zéro.
Accélérer le projet Corsica 2035
En effet, des travaux prometteurs ont déjà été réalisés par les scientifiques et les organisations internationales. Dans certains pays, les pouvoirs publics se sont engagés, sans doute encore trop timidement, dans la voie nouvelle qui devrait aujourd’hui s’imposer naturellement à l’esprit. Modestement, la Corse a initié en ce sens, dès 2015, le projet « Corsica 2035 » (prospective et action publique) qu’il convient à présent d’accélérer, compte tenu de la crise globale et sans précédent que nous connaissons.
À travers la définition d’un véritable projet de société, il s’agira de faire face au présent et de
préparer l’avenir, dont chacun semble s’accorder à dire qu’il ne saurait ressembler au passé, même récent.
Certes, un tel projet demandera encore beaucoup de travail et de confrontation d’idées, mais un certain nombre d’orientations semblent être devenues largement consensuelles dans de nombreux pays, avant même le déclenchement de la crise actuelle : répondre sans tarder à la dégradation climatique et écologique, prendre en compte l’urgence sociale et les évolutions inéluctables du monde du travail, rompre avec la logique de confiance illimitée dans les mécanismes du marché, reconstruire les services publics, bouleverser le système éducatif et œuvrer à l’avènement d’une « société apprenante »…
Plus généralement, la crise actuelle nous permettra-t-elle sans doute de mieux comprendre que les femmes et les hommes ne peuvent être réduits au rôle d’agents économiques « rationnels ».
Que la « gouvernementalité » mise en œuvre par les Etats ne peut continuer à miser exclusivement sur la part rationnelle et prosaïque de l’être humain, faisant l’impasse sur ses parts poétiques et spirituelles.
Que l’hyperspécialisation de la formation et du travail ainsi que la bureaucratisation de l’Administration dissolvent le sens de la responsabilité et de la solidarité.
Que la technique et la science déconnectées de toute considération éthique dégradent irrémédiablement nos sociétés.
Que les approches technocratiques et comptables ne doivent pas être érigées en mode de gestion politique.
Que l’on ne peut, sans mutiler notre espèce, promouvoir un mode de vie « hors sol », ignorant le nécessaire « enracinement » que la philosophe Simone Weil présentait déjà comme le premier besoin de l’âme humaine.
Peut-être la crise nous aura-t-elle ouvert les yeux sur ces évidences oubliées ? Alors, tous les espoirs demeureront autorisés.
Certes, l’épidémie a mis au jour quelques travers de nos contemporains – ce fait a été abondamment souligné. Mais l’on a vu aussi, et surtout, se développer l’abnégation, les pulsions altruistes, l’engagement désintéressé. Tout cela constitue une base solide sur laquelle il nous faudra à présent construire.
Le Corse est-elle prête à cet égard ? Il nous semble permis de répondre par l’affirmative. Notre Assemblée semble même avoir pris un peu d’avance. Nous n’en voulons pour illustration que la déclaration d’urgence climatique et écologique votée à l’unanimité il y a quelques mois et le consensus se réalisant aujourd’hui – après trois ans de travail – autour du revenu universel. Il s’agit là de questions emblématiques du projet de société que nous voulons construire, en lien avec tous ceux qui, de l’autre côté de la mer, formulent les mêmes aspirations. Dans cette perspective et compte tenu de la dimension géopolitique des enjeux, l’Europe peut aussi redevenir un espoir.
Alors, ce « New Deal de civilisation », issa Sfida Nova, cette réponse à la crise présente et aux crises à venir, cette société fondée sur de nouvelles bases, tout cela pourrait entrer bientôt dans l’ordre des réalités concrètes.
À travers la définition d’un véritable projet de société, il s’agira de faire face au présent et de
préparer l’avenir, dont chacun semble s’accorder à dire qu’il ne saurait ressembler au passé, même récent.
Certes, un tel projet demandera encore beaucoup de travail et de confrontation d’idées, mais un certain nombre d’orientations semblent être devenues largement consensuelles dans de nombreux pays, avant même le déclenchement de la crise actuelle : répondre sans tarder à la dégradation climatique et écologique, prendre en compte l’urgence sociale et les évolutions inéluctables du monde du travail, rompre avec la logique de confiance illimitée dans les mécanismes du marché, reconstruire les services publics, bouleverser le système éducatif et œuvrer à l’avènement d’une « société apprenante »…
Plus généralement, la crise actuelle nous permettra-t-elle sans doute de mieux comprendre que les femmes et les hommes ne peuvent être réduits au rôle d’agents économiques « rationnels ».
Que la « gouvernementalité » mise en œuvre par les Etats ne peut continuer à miser exclusivement sur la part rationnelle et prosaïque de l’être humain, faisant l’impasse sur ses parts poétiques et spirituelles.
Que l’hyperspécialisation de la formation et du travail ainsi que la bureaucratisation de l’Administration dissolvent le sens de la responsabilité et de la solidarité.
Que la technique et la science déconnectées de toute considération éthique dégradent irrémédiablement nos sociétés.
Que les approches technocratiques et comptables ne doivent pas être érigées en mode de gestion politique.
Que l’on ne peut, sans mutiler notre espèce, promouvoir un mode de vie « hors sol », ignorant le nécessaire « enracinement » que la philosophe Simone Weil présentait déjà comme le premier besoin de l’âme humaine.
Peut-être la crise nous aura-t-elle ouvert les yeux sur ces évidences oubliées ? Alors, tous les espoirs demeureront autorisés.
Certes, l’épidémie a mis au jour quelques travers de nos contemporains – ce fait a été abondamment souligné. Mais l’on a vu aussi, et surtout, se développer l’abnégation, les pulsions altruistes, l’engagement désintéressé. Tout cela constitue une base solide sur laquelle il nous faudra à présent construire.
Le Corse est-elle prête à cet égard ? Il nous semble permis de répondre par l’affirmative. Notre Assemblée semble même avoir pris un peu d’avance. Nous n’en voulons pour illustration que la déclaration d’urgence climatique et écologique votée à l’unanimité il y a quelques mois et le consensus se réalisant aujourd’hui – après trois ans de travail – autour du revenu universel. Il s’agit là de questions emblématiques du projet de société que nous voulons construire, en lien avec tous ceux qui, de l’autre côté de la mer, formulent les mêmes aspirations. Dans cette perspective et compte tenu de la dimension géopolitique des enjeux, l’Europe peut aussi redevenir un espoir.
Alors, ce « New Deal de civilisation », issa Sfida Nova, cette réponse à la crise présente et aux crises à venir, cette société fondée sur de nouvelles bases, tout cela pourrait entrer bientôt dans l’ordre des réalités concrètes.
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