Du temps des preuves à l'épreuve du temps




La sociologie distingue deux façons d’appréhender une succession et un héritage moral: la perpétuation ou le reniement. La première, responsable et désenchantée, fait peu rêver mais se veut pragmatique et éclectique. Le second, mobilisateur et messianique, suscite l’ardeur et l’espoir, au moins autant que la déception une fois confronté à la réalité.
 
La majorité nationaliste a clairement opté pour la césure dans l’histoire politique de la Corse, faisant de décembre 2015 l’an 0 de l’éveil politique de l’île et vouant aux gémonies les mandatures passées qui n’ont fait que faire sombrer l’île par le fond.
 
Ce fut orchestré d’une main de maître, preuves prétendument à l’appui. Le passif a été amputé au passé, et donc à l’opposition. L’actif, quant à lui, a été nié. La cinquantaine d’établissements scolaires, les infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, les équipements collectifs, les tunnels et ouvrages d’art, les établissements culturels, l’accompagnement des entreprises et des exploitations agricoles, les politiques publiques en matière de logement, de dépendance, de santé, de social, etc…. Tout cela, pourtant l’essentiel, est nié.
 
C’est dans ce parti pris de reniement que s’est inscrite l’intronisation de l’exécutif. Le dossier maritime en a été le fer de lance. Le président de l’OTC de l’époque, désormais député de la Haute-Corse, en avait d’ailleurs retiré un bénéfice politique majeur. Saint Michel terrassant le dragon un 6 septembre 2016.
Notre famille politique avait accompagné la proposition de l’exécutif de distinguer l’exploitation des ports principaux de celle des ports secondaires. Pourtant, sans l’initiative du consortium d’entrepreneurs reprenant la SNCM, ni l’évolution de la législation européenne créant les SEMOP, rien n’aurait été possible. Le contexte était favorable, et les astres alignés.
 
Pour la Corse et son développement économique, il fallait avancer sur le dossier maritime. Nous y avons souscrit. Mais l’exécutif a été plus loin, considérant que la compagnie régionale s’imposait par l’acquisition des navires devant desservir les liaisons sous DSP. La volonté de la majorité de tout maîtriser nous parut pour le moins boulimique. Les millions à engloutir dans le rachat de navires en fin de parcours auraient manqué à la mise en œuvre de politiques publiques fondamentales pour les Corses.
 
Deux ans après l’euphorie de la victoire et du reniement, la réalité s’est imposée et l’exécutif s’est résigné à renoncer au rachat des navires. « La vérité est comme le soleil. Elle fait tout voir et ne se laisse pas regarder », les mots de Victor Hugo, à propos sur le dossier maritime, nous éclairent collectivement, y compris l’exécutif. Voilà que pour la première fois depuis bien des mois, un membre de l’exécutif, en l’occurrence la présidente de l’OTC, faisant preuve d’un esprit de responsabilité, a exhorté l’Assemblée à regarder l’avenir plutôt que de s’appesantir sur le passé. Sûrement parce que le passé n’offre plus la même capacité d’exploitation politique qu’en 2016 puisque la majorité a à son tour exercé des responsabilités, touché du doigt la réalité et sait avoir échoué sur la compagnie maritime régionale.
 
L’épreuve du temps s’est aussi vérifiée en fin de session où des discussions internes à la majorité, dont les composantes ne parvenaient pas à s’accorder sur le fond de certaines motions, ont fait prendre un tour regrettable à la fin de séance. La majorité disposant à elle seule du quorum, elle s’est affairée pendant des heures de suspension, sans se soucier des élus d’opposition attendant inlassablement la reprise à une heure tardive, nous conduisant par là même à quitter l’hémicycle pour réagir à pareil mépris. Un soir d’éclipse, le contexte s’y prêtait.
 
Nous regrettons cependant d’avoir été privés du moment politique de la session qu’est l’examen des motions alors même que nous proposions de mettre sur la table la question des événements intolérables qui se sont déroulés en marge de la finale de la Coupe du Monde de foot, qui s’est soldée par la victoire de l’équipe de France où des supporters, corses et touristes, ont été pris à partie, menacés, et agressés.
 
Certes, dès la commission des faits, nous avons condamné les intimidations exercées à l’égard de ceux qui, comme nous, ont fêté la victoire de l’équipe de France. « Français de merde », « I Francesi Fora »… Voilà des insultes que nous ne pouvons plus tolérer si on veut que la jeunesse corse ait un avenir.
 
Notre famille politique est fière que l’équipe nationale ait remporté la Coupe du Monde, comme elle a toujours manifesté un soutien sans faille aux équipes insulaires. Ou comme, dans un autre registre, elle s’enorgueillit de voir deux Corses accéder aux plus hautes fonctions militaires, l’Amiral Casabianca au sommet de l’armée, et le Général Lanata à la tête de l’OTAN.
 
Au-delà, nous voulions porter le débat dans l’hémicycle, demander au nom de quoi les supporters, insulaires ou pas, d’un club sportif, auraient à cacher leur satisfaction suite à une victoire ?
 
Tout ceci n’est pas inné. Ces comportements ne sont jamais que la résultante d’une haine de la France instillée au gré du temps par celles et ceux qui portent désormais une lourde responsabilité devant l’Histoire.
 

Rédigé le Lundi 10 Septembre 2018 modifié le Lundi 10 Septembre 2018

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