Sgiò Presidente di l’esecutivu,
Signore è signori i cunsiglieri esecutivi,
Signore è signori i cunsiglieri di l’Assemblea di Corsica,
Quessa sessione di rientrata hà u culore di l’incertezza.
Paure è pessimismu sò l’espressione e più usate pè parlà di i nostri tempi. Tempi ch’ùn facenu sunnià à nimu.
Eppuru, u 3 di settembre scorsu, incù u Presidente di l’esecutivu è altri eletti, emu accumpagnatu zitelle è zitelli di Corsica chì facianu a sò rientrata in scola. L’allegria è e prumesse di ghjorni felici è colmi di vita pè ‘ssa ghjuventù parianu guasgi un arcubalenu in ‘ssi ghjorni piuttostu scuri.
Il faut dire que les sujets de préoccupation, y compris pour les générations à venir, sont nombreux. Les contraintes budgétaires, les incertitudes politiques, les menaces écologiques, les situations de crise et la guerre aux portes de l’Europe obscurcissent l’horizon.
Or, il ne s’agit pas que d’une morosité passagère à faible impact sur nos sociétés.
Ainsi, une récente enquête du CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences Po (août 2024)1, portant sur l’attachement des Français, Italiens et Allemands à la démocratie, révèle un résultat inattendu - qui semble contredire les principales théories de sciences politiques depuis les années 60 - selon lequel bien que majoritairement attachés à la démocratie, les Français lui préfèrent le bien-être économique.
Dans le contexte conjoncturel complexe qui est le nôtre, cette nouvelle donne pourrait, à mon sens, expliquer la focalisation excessive sur certaines problématiques, autour desquelles se développent des crispations et des formes de radicalités, au détriment même des bases du vivre-ensemble.
De complexité, nous aurons l’occasion d’en parler ce jour, puisqu’un temps d’échanges est prévu sur la situation politique et budgétaire inédite que traverse la France. La France, certes, a enfin un gouvernement, mais, pour combien de temps ? La loi de finances est en cours d’élaboration, mais avec quelle réelle marge de manoeuvre ? En cette fin septembre 2024, et dans l’attente du discours de politique générale qui devrait être prononcé par Michel Barnier le 1er octobre prochain, force est de constater que l’on peut s’interroger d’une part, sur la légitimité d’un gouvernement qui ne reflète pas les résultats des dernières élections législatives et d’autre part, sur la stratégie de gestion de ce qui semble bien être une crise budgétaire sans précédents.
Le déficit public de la France est estimé à 5,6% du PIB en 2024 et pourrait atteindre plus de 6,2% en 2025, le double du plafond de 3% exigé par le traité de Maastricht, ce qui d’ailleurs a donné lieu à l’ouverture d’une procédure pour déficit excessif de la part de la Commission européenne.
L’adoption d’une loi de finances, dans le flou et avec retard, pose évidemment la question du fonctionnement des institutions mais surtout des options que le nouveau gouvernement entend proposer afin d’endiguer cette “hémorragie” budgétaire.
Nous assistons dans ce contexte à la diffusion d’une petite musique, insidieuse mais bien réelle, consistant à pointer la responsabilité des collectivités territoriales qui semblent déjà identifiées comme principales sources d’économies. Mais la dette des collectivités est de l’ordre de 250 milliards d’euros, soit environ 8% de la dette publique de 3 000 milliards d’euros. Un pourcentage relativement stable depuis 30 ans, alors même que les compétences locales n’ont cessé de croitre.
Sans trop m’avancer, je crois que nous pouvons aisément anticiper que la composition même du gouvernement ainsi que l’urgence budgétaire auront un impact non négligeable sur la Corse et ses enjeux prioritaires, d’où l’importance d’un débat entre les forces politiques présentes dans cet hémicycle, à élargir au Conseil économique social environnemental et culturel, ainsi qu’à toutes les forces vives de notre société. Sur le plan politique, la question de la reprise du processus se pose évidemment. Quelle que soit notre position sur le projet d’écritures constitutionnelles adopté par notre Assemblée en mars dernier, la continuité institutionnelle exige que nous retrouvions les voies du dialogue autour de ce texte. L’Etat ne peut se dédire ! Le président de la République était il y a an, presque jour pour jour, dans cet hémicycle et y déclarait : « Pour ancrer pleinement la Corse dans la République et reconnaître la singularité, son insularité méditerranéenne, ce rapport au monde et son rôle dans l'espace qui est le sien, nous devons avancer, et il faut pour cela l'entrée de la Corse dans notre Constitution. C'est votre souhait, je le partage et je le fais mien, car je respecte et je reconnais l'histoire, la culture, les spécificités Corses dans la République, ce lien entre cette terre, cette mer, cette ambition enracinée. La vocation de la Corse ne peut pas s'enfermer dans un texte, mais l'inscription dans un texte et en particulier celui de notre Constitution, désormais la plus vieille et la plus durable de notre histoire, est ce geste de reconnaissance indispensable et de la construction d'un cadre respectueux de la singularité insulaire et méditerranéenne ».Nous sommes donc en droit d’attendre la reprise de la démarche d’évolution constitutionnelle et institutionnelle sur la base d’aspirations démocratiquement validées ayant, qui plus est, fait l’objet d’un accord au plus haut niveau de l’Etat. Sur le plan budgétaire, nos propres difficultés n’échappent à personne. Elles sont évidemment le fruit du caractère profondément singulier de la structure de nos finances publiques, à la fois héritage de l’histoire et conséquence de la géographie. Ces singularités ne peuvent être balayées d’un revers de main sous prétexte que le contexte national le commande. Aussi, il est urgent de faire entendre notre voix afin de rappeler que nos contraintes structurelles nécessitent une approche spécifique, que le choc de l’inflation obère la Dotation de Continuité territoriale la rendant inadaptée à notre situation et que sans pacte budgétaire et fiscal nouveau, ce ne sont pas seulement nos ambitions qui sont sérieusement remises en cause mais bien nos devoirs, notamment sociaux.
Signore è signori i cunsiglieri esecutivi,
Signore è signori i cunsiglieri di l’Assemblea di Corsica,
Quessa sessione di rientrata hà u culore di l’incertezza.
Paure è pessimismu sò l’espressione e più usate pè parlà di i nostri tempi. Tempi ch’ùn facenu sunnià à nimu.
Eppuru, u 3 di settembre scorsu, incù u Presidente di l’esecutivu è altri eletti, emu accumpagnatu zitelle è zitelli di Corsica chì facianu a sò rientrata in scola. L’allegria è e prumesse di ghjorni felici è colmi di vita pè ‘ssa ghjuventù parianu guasgi un arcubalenu in ‘ssi ghjorni piuttostu scuri.
Il faut dire que les sujets de préoccupation, y compris pour les générations à venir, sont nombreux. Les contraintes budgétaires, les incertitudes politiques, les menaces écologiques, les situations de crise et la guerre aux portes de l’Europe obscurcissent l’horizon.
Or, il ne s’agit pas que d’une morosité passagère à faible impact sur nos sociétés.
Ainsi, une récente enquête du CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences Po (août 2024)1, portant sur l’attachement des Français, Italiens et Allemands à la démocratie, révèle un résultat inattendu - qui semble contredire les principales théories de sciences politiques depuis les années 60 - selon lequel bien que majoritairement attachés à la démocratie, les Français lui préfèrent le bien-être économique.
Dans le contexte conjoncturel complexe qui est le nôtre, cette nouvelle donne pourrait, à mon sens, expliquer la focalisation excessive sur certaines problématiques, autour desquelles se développent des crispations et des formes de radicalités, au détriment même des bases du vivre-ensemble.
De complexité, nous aurons l’occasion d’en parler ce jour, puisqu’un temps d’échanges est prévu sur la situation politique et budgétaire inédite que traverse la France. La France, certes, a enfin un gouvernement, mais, pour combien de temps ? La loi de finances est en cours d’élaboration, mais avec quelle réelle marge de manoeuvre ? En cette fin septembre 2024, et dans l’attente du discours de politique générale qui devrait être prononcé par Michel Barnier le 1er octobre prochain, force est de constater que l’on peut s’interroger d’une part, sur la légitimité d’un gouvernement qui ne reflète pas les résultats des dernières élections législatives et d’autre part, sur la stratégie de gestion de ce qui semble bien être une crise budgétaire sans précédents.
Le déficit public de la France est estimé à 5,6% du PIB en 2024 et pourrait atteindre plus de 6,2% en 2025, le double du plafond de 3% exigé par le traité de Maastricht, ce qui d’ailleurs a donné lieu à l’ouverture d’une procédure pour déficit excessif de la part de la Commission européenne.
L’adoption d’une loi de finances, dans le flou et avec retard, pose évidemment la question du fonctionnement des institutions mais surtout des options que le nouveau gouvernement entend proposer afin d’endiguer cette “hémorragie” budgétaire.
Nous assistons dans ce contexte à la diffusion d’une petite musique, insidieuse mais bien réelle, consistant à pointer la responsabilité des collectivités territoriales qui semblent déjà identifiées comme principales sources d’économies. Mais la dette des collectivités est de l’ordre de 250 milliards d’euros, soit environ 8% de la dette publique de 3 000 milliards d’euros. Un pourcentage relativement stable depuis 30 ans, alors même que les compétences locales n’ont cessé de croitre.
Sans trop m’avancer, je crois que nous pouvons aisément anticiper que la composition même du gouvernement ainsi que l’urgence budgétaire auront un impact non négligeable sur la Corse et ses enjeux prioritaires, d’où l’importance d’un débat entre les forces politiques présentes dans cet hémicycle, à élargir au Conseil économique social environnemental et culturel, ainsi qu’à toutes les forces vives de notre société. Sur le plan politique, la question de la reprise du processus se pose évidemment. Quelle que soit notre position sur le projet d’écritures constitutionnelles adopté par notre Assemblée en mars dernier, la continuité institutionnelle exige que nous retrouvions les voies du dialogue autour de ce texte. L’Etat ne peut se dédire ! Le président de la République était il y a an, presque jour pour jour, dans cet hémicycle et y déclarait : « Pour ancrer pleinement la Corse dans la République et reconnaître la singularité, son insularité méditerranéenne, ce rapport au monde et son rôle dans l'espace qui est le sien, nous devons avancer, et il faut pour cela l'entrée de la Corse dans notre Constitution. C'est votre souhait, je le partage et je le fais mien, car je respecte et je reconnais l'histoire, la culture, les spécificités Corses dans la République, ce lien entre cette terre, cette mer, cette ambition enracinée. La vocation de la Corse ne peut pas s'enfermer dans un texte, mais l'inscription dans un texte et en particulier celui de notre Constitution, désormais la plus vieille et la plus durable de notre histoire, est ce geste de reconnaissance indispensable et de la construction d'un cadre respectueux de la singularité insulaire et méditerranéenne ».Nous sommes donc en droit d’attendre la reprise de la démarche d’évolution constitutionnelle et institutionnelle sur la base d’aspirations démocratiquement validées ayant, qui plus est, fait l’objet d’un accord au plus haut niveau de l’Etat. Sur le plan budgétaire, nos propres difficultés n’échappent à personne. Elles sont évidemment le fruit du caractère profondément singulier de la structure de nos finances publiques, à la fois héritage de l’histoire et conséquence de la géographie. Ces singularités ne peuvent être balayées d’un revers de main sous prétexte que le contexte national le commande. Aussi, il est urgent de faire entendre notre voix afin de rappeler que nos contraintes structurelles nécessitent une approche spécifique, que le choc de l’inflation obère la Dotation de Continuité territoriale la rendant inadaptée à notre situation et que sans pacte budgétaire et fiscal nouveau, ce ne sont pas seulement nos ambitions qui sont sérieusement remises en cause mais bien nos devoirs, notamment sociaux.
Evidemment, cette recherche de réponses, tant sur le plan politique qu’économique, ne doit pas nous exonérer d’un travail de fond ici et j’en appelle à la responsabilité de tous pour que nous soyons dans un effort de proximité constant auprès des Corses, des associations, des entreprises, malgré un niveau de contrainte élevé, afin de garantir un niveau de service à la hauteur de leurs attentes. Je souhaite que cela soit le marqueur de nos travaux à venir et n’hésiterai pas à rappeler mon extrême vigilance à ce sujet.
Pour conclure, et alors que les nouvelles du monde, qu’elles nous viennent d’Ukraine, du Proche et du Moyen Orients ou encore de Nouvelle-Calédonie, rajoutent à notre préoccupation collective, et que des polémiques surgissent dès lors que l’ «autre» ou l’ «ailleurs» se voient convoqués, voici ces quelques mots d’Emmanuel Levinas, comme un écho à la visite de Mme Christiane Taubira il y a quelques jours, «le visage de mon prochain est une altérité qui ouvre l'au-delà».
Dans tout ce vacarme, cultivons l’altérité.
A ringrazià vi.
Pour conclure, et alors que les nouvelles du monde, qu’elles nous viennent d’Ukraine, du Proche et du Moyen Orients ou encore de Nouvelle-Calédonie, rajoutent à notre préoccupation collective, et que des polémiques surgissent dès lors que l’ «autre» ou l’ «ailleurs» se voient convoqués, voici ces quelques mots d’Emmanuel Levinas, comme un écho à la visite de Mme Christiane Taubira il y a quelques jours, «le visage de mon prochain est une altérité qui ouvre l'au-delà».
Dans tout ce vacarme, cultivons l’altérité.
A ringrazià vi.
* Seul le prononcé fait foi