Discorsu di a Presidente di l’Assemblea di Corsica di a sessione autonomia di i 4 è 5 di lugliu


Discours de Marie-Antoinette Maupertuis*, Présidente de l'Assemblée de Corse, prononcé au cours de la session extraordinaire du 4 juillet




Sgiò Presidente di l’esecutivu,
Signori anziani presidenti di l’assemblea di Corsica è di l’esecutivu di Corsica,
Signori Senatori,
Signori Deputati,
Signore è signori i cunsiglieri esecutivi,
Signore è signori i cunsiglieri di l’Assemblea di Corsica,
Signora Presidente di u CESEC,
Signora è signori Presidenti di l’assemblea di a ghjuventù,
Signori presidenti di e Camare di Cummerciu è di i mistieri,
 
……
Care tutte, cari tutti,
Simu adduniti oghje in sta sessione strasurdinaria di u 4 di lugliu 2023 per un dibattitu annant’à l’autonomia di a Corsica in a perspettiva di a revisione custituziunale prevista pè u 2024.

Si les échanges que nous aurons aujourd’hui s’insèrent dans le cadre d’un processus de discussion engagé avec l’Etat le 16 Mars 2022, à la suite de l’agression d’Yvan Colonna et des heurts qui s’en sont suivis, ils s’inscrivent d’abord et avant tout, dans le fil historique d’une revendication qui est celle désormais d’une large partie du peuple corse, depuis deux générations.

Cantonnée à la mouvance régionaliste puis autonomiste pionnière de la fin des années 1960, amplifiée par le riacquistu linguistique et culturel des années 1970 et les mouvements étudiants successifs, défendue aussi par les tenants d’un processus d’autodétermination et d’indépendance, alimentée dans les années 80 et 90 par la pensée progressiste d’hommes et de femmes, non nationalistes, de gauche comme de droite,  portée enfin à trois reprises par le suffrage universel au calendrier de cette assemblée, la question de l’autonomie institutionnelle de la Corse va être posée aujourd’hui par le Président de l’Exécutif et nous aurons à en débattre.
Dans le cadre du processus de Beauvau, le 24 février dernier, le Président de la République a réitéré aux élus de la Corse sa proposition d’inscrire l’évolution institutionnelle de notre île à l’agenda de la réforme constitutionnelle qu’il souhaite engager pour 2024. Il nous a enjoint à lui faire des propositions en la matière.

Cette invitation a été de nouveau réitérée le 7 juin dernier à l’occasion de la 4ème réunion dudit processus par le ministre Gerald Darmanin, auquel je rappelai ce jour-là que l’Assemblée de Corse a toujours été, depuis sa création il y a 40 ans, la matrice des débats concernant toute évolution de l’organisation institutionnelle de notre île.

Il était donc de la responsabilité du Président de l’Exécutif de nous faire une première proposition. Elle est soumise aujourd’hui au débat de cette assemblée, sachant que, comme vous l’avez constaté, aucune délibération n’est à cette heure associée à son rapport.
Ainsi, le débat le plus large possible est permis dans le but de parvenir, à l’issue de nos échanges à la rédaction d’une délibération que nous espérons conjointe, ou tout au moins, d’une délibération qui pourrait rassembler une majorité la plus large possible des suffrages.  Cela, évidemment, sans retirer à quiconque la possibilité de déposer sa propre proposition.
Et d’ailleurs, nous avons déjà reçu 5 contributions (Celles de Un Soffiu Novu, Avanzemu, Core in Fronte, Josepha Giacometti-Piredda et de Pierre Ghionga).

La méthode que nous avons arrêtée, d’abord avec le Président, puis avec les autres groupes m’est apparue adaptée à la situation.
Instaurer un débat sur l’autonomie en s’appuyant sur un principe démocratique et de représentation de l’altérité me paraît déjà être de très bon augure.

Car, au-delà de la forme que prendra la proposition majoritaire de modification constitutionnelle, il s’agit d’abord et avant tout d’établir un accord politique historique avec l’Etat. Accord qui doit permettre de sceller les modalités de résolution d’un conflit qui dure depuis des décennies et de tracer collectivement le chemin qui doit nous conduire au développement économique, social, durable, à la paix et, comme l’indique, sur sa première de couverture, l’ouvrage « Autonomia » publié en 1974 : Pour que vive le peuple corse !
Car en Corse, en France, en Europe, plus grand monde ne doute qu’il y ait un peuple corse avec sa langue, sa culture, ses travers, ses déboires et ses victoires.

Plus grand monde ne discute l’idée, qu’à l’instar d’autres territoires européens de montagne, insulaires, faiblement peuplés, comme le reconnait le Traité de fonctionnement de l’Union européenne, que notre île puisse disposer de modalités d’auto-gouvernement, propres à lui permettre d’édicter ses lois et produire, dans l’environnement méditerranéen naturel et culturel qui est le sien, au regard de ses propres contraintes géographiques, de ses faiblesses mais aussi de ses richesses économiques, culturelles et écologiques, les solutions adaptées aux problèmes généraux ou singuliers qui se posent à son peuple  et ses propres aspirations.

Alors Mesdames, Messieurs, si le reste du monde ne doute pas de notre capacité à nous autogouverner, si le Président de la République Française nous demande lui-même de faire une proposition en la matière, quels pourraient-être aujourd’hui les obstacles à la formulation d’une proposition innovante visant tout à la fois à solder 50 ans de difficultés et ouvrant un avenir de paix et de prospérité ?

Nous le savons tous : au-delà de notre rapport complexe à la République française dont je ne rappellerai pas ici les causes, la nature et leur évolution, persistent et prévalent entre nous trop souvent à l’heure des choix essentiels, les divergences et la discorde.
Alors si j’ai la ferme conviction qu’un statut d’autonomie pour la Corse est légitime, si j’ai la ferme conviction que dotés de nouvelles responsabilités, nous déploierons comme d’autres peuples avant nous, des capacités d’apprentissage, le moment venu, pour assumer cette part nouvelle de liberté et de souveraineté, je veux aussi croire, qu’à partir d’aujourd’hui, dans le respect des options partisanes de chacun, nous soyons en capacité de produire une proposition la plus largement partagée à transmettre ensuite au Président de la République et au gouvernement.

Pour cela il faudra discuter, échanger. La journée risque d’être longue. Elle ne suffira peut-être pas.
En ouverture de cette séquence importante pour le futur de notre île, je voudrais d’abord m’adresser à tous les groupes nationalistes, à tous les nationalistes de cet hémicycle.

Vi vogliu ramintà un pezzettu di a nostra storia.
In lu 1564, quandu Sampieru Corsu hà vulsutu torna à inizià a rivolta contr’à Genuva, s’hè piantatu in Vicu induv’ellu hà circatu à addunisce in giru à ellu i paisani di i Dui Sorru è i capimachja di l’isula. Fece tandu un discorsu tremendu chjamendu à l’unione indispensevule di i Corsi. In e Cronache storiche di a Corsica (Anton Pietro Filippini), si po' truvà a risposta fatta à Sampieru da un vechju suldatu viculese chjamatu Ghjuvan Francescu Cristinacce.  Li disse:  “Ún ci hè alcun dubbitu, chì sè trà i nostri antichi padri ci fussi stata l’unione universale, mai un antra nazione frustera averia supranatu a nostr’isula”.

Cinq siècles plus tard, mon collègue et ami le Professeur Dominique Taddei, qui a largement contribué à l’avènement du statut de 1982, a livré lors d’une conférence sur les 40 ans di l’Assemblea di Corsica, cette analyse que je partage volontiers avec vous : “L’union en Corse, sans doute plus qu’ailleurs, est un combat. C’est une victoire de l’histoire sur la géographie. Car la géographie nous divise, qu’on le veuille ou non, et l’histoire tend à nous réunifier et encore il faut qu’on y mette, les uns et les autres, beaucoup du nôtre. » (Avril 2022).

Notre histoire, y compris la plus récente, parle d’elle-même. Souvent, trop souvent, nous n’avons pas été en capacité de nous unir et pire, nous sommes rentrés dans des logiques d’affrontement.

A l’heure où j’ouvre cette session, sans renier ce passé commun et son lot de douleurs, permettez-moi de ne retenir que les sursauts dont nous avons fait preuve et la confiance qui nous a animés, ce qui nous permet aujourd’hui d’être, ensemble, largement majoritaires en Corse. Mais, permettez-moi aussi d’ajouter qu’être majoritaires n’est pas une fin en soi, seul ce que nous en ferons restera dans l’histoire.

Les propos de Dominique Taddei m’ont conduit à reconsidérer notre histoire commune. Pas l’histoire des nationalistes, pas celles des corsistes de droite, de gauche, celles de tous les Corses et de ceux à venir. Celle de tous les Corses actuels et à venir. Celle d’un petit peuple dont Rousseau a dit qu’un jour qu’il étonnerait le monde. Un petit peuple que nos amis américains de Paoli City rencontrés en 2017 pensaient déjà autonome depuis longtemps, puisque rédacteur de la première constitution démocratique ayant directement influencé les pères fondateurs de l’indépendance américaine célébrée en ce jour.

De cette relecture j’ai tiré trois enseignements :
Au final, nous n’avons jamais été développés au sens moderne. Jamais. Nous avons failli avec Pasquale Paoli embrasser une trajectoire vertueuse de nation émancipée, libre et épanouie inspirée par les Lumières. Ce fut de courte durée… Plus jamais nous n’avons eu de proposition de contrat social permettant de réconcilier notre être profond, nos aspirations avec l’organisation matérielle de la vie. Certains objecteront que nous sommes développés, je répondrai que nous avons de la croissance, de la richesse matérielle mais que bien évidemment elle délite aujourd’hui notre environnement, elle nous dépossède de la terre et de nos fondamentaux.

Deuxièmement, nos institutions, quelles que furent les réformes effectuées (et je salue ceux qui à la période contemporaine ont été courageux avant nous et qui n’étaient pas nationalistes José Rossi, Paul Giacobbi mais aussi à Maria Guidicelli) . Ces réformes malheureusement n’ont jamais produit l’efficacité d’un autogouvernement à même de pouvoir dépasser les contraintes structurelles que nous subissons depuis toujours.

Dès lors j’en suis convaincue aujourd’hui :

Troisième réflexion : nous ne pourrons être autonomes que si nous-mêmes nous sommes responsables et unis ! Où a-t-on vu que la division apportait le développement, la prospérité et la paix ? Nulle part.
 
Mesdames et Messieurs les représentants du peuple corse, en ce 4 juillet 2023, Rappelons-nous ce qui a été dit dans cet hémicycle au cours de nos travaux dans le cadre de la commission des compétences législatives et règlementaires vendredi dernier encore : l’autonomie n’est pas une fin en soi. L’autonomie est un moyen. Le seul pour que continue à vivre le peuple corse !
Oui, il va falloir que chacun y mette du sien… car la jeunesse corse nous écoute et attend nos débats et nos décisions.
N’ayons pas peur, ùn appiate paura !

À ringrazia vi !
 

* Seul le prononcé fait foi

Rédigé le Mardi 4 Juillet 2023 modifié le Mardi 4 Juillet 2023

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