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Cher confrère,
Chers collègues,
Notre réunion d’aujourd’hui n’est pas ordinaire puisque nous avons le grand plaisir de recevoir Henri Leclerc, Président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme.
Vous l’aurez compris, exceptionnellement, j’ouvrirai donc cette séance en langue française.
Monsieur Leclerc, au nom de cette assemblée, je vous remercie d’avoir choisi de rencontrer les membres de notre jeune institution. C’est un honneur pour nous de vous accueillir, eu égard à votre engagement militant mais aussi à l’importance que nous accordons tous ici au respect des Droits de l’Homme.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’Assemblea di a Giuventù travaille avec la Ligue.
Récemment, les membres du bureau de la section corse de la Ligue et la conférence des présidents de notre Assemblée ont longuement échangé sur des sujets d’importance : les prisonniers politiques, la question de l’amnistie, la situation politique de la Catalogne, la ZAD, la mobilisation des étudiants, des cheminots, la solidarité avec les peuples kurde et palestinien.
Chers collègues,
Notre réunion d’aujourd’hui n’est pas ordinaire puisque nous avons le grand plaisir de recevoir Henri Leclerc, Président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme.
Vous l’aurez compris, exceptionnellement, j’ouvrirai donc cette séance en langue française.
Monsieur Leclerc, au nom de cette assemblée, je vous remercie d’avoir choisi de rencontrer les membres de notre jeune institution. C’est un honneur pour nous de vous accueillir, eu égard à votre engagement militant mais aussi à l’importance que nous accordons tous ici au respect des Droits de l’Homme.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’Assemblea di a Giuventù travaille avec la Ligue.
Récemment, les membres du bureau de la section corse de la Ligue et la conférence des présidents de notre Assemblée ont longuement échangé sur des sujets d’importance : les prisonniers politiques, la question de l’amnistie, la situation politique de la Catalogne, la ZAD, la mobilisation des étudiants, des cheminots, la solidarité avec les peuples kurde et palestinien.
Contribuer à la réalisation d'un avenir collectif harmonieux
Avant d’entrer dans le vif du sujet, permettez-moi, cher confrère, de vous présenter en quelques mots notre institution.
Le 28 juillet 2016, l’Assemblée de Corse a voté en faveur de la création d’une Assemblea di a Giuventù di a Corsica.
Cette nouvelle institution vient consolider le bon exercice de la démocratie dans notre île et entend contribuer à la réalisation d’un avenir collectif harmonieux. Elle doit permettre à la jeunesse insulaire, que nous considérons comme une ressource pour l’action publique, de prendre pleinement part à la construction de cet avenir.
Par cette création, nous avons souhaité donner à la jeunesse les moyens d’agir aux côtés des élus que nous sommes.
Les jeunes peuvent désormais, avec leurs propres représentants, formuler directement leurs attentes et leurs aspirations mais aussi s’exprimer sur tous les sujets qui ne concernent pas directement leur classe d’âge.
Tous ont su prendre la mesure du rôle qui est désormais le leur. Chacun d’entre eux exerce avec talent, avec un sens politique souvent très aigu et avec beaucoup d’engagement ses responsabilités.
Aujourd’hui, le thème de nos échanges est : « Les Droits de l’Homme, un combat politique ».
Ce combat que vous avez mené, cher confrère, tout au long de votre vie et de votre carrière d’avocat.
Ce combat qui doit être mené au quotidien par les citoyens et les élus que nous sommes.
Le 28 juillet 2016, l’Assemblée de Corse a voté en faveur de la création d’une Assemblea di a Giuventù di a Corsica.
Cette nouvelle institution vient consolider le bon exercice de la démocratie dans notre île et entend contribuer à la réalisation d’un avenir collectif harmonieux. Elle doit permettre à la jeunesse insulaire, que nous considérons comme une ressource pour l’action publique, de prendre pleinement part à la construction de cet avenir.
Par cette création, nous avons souhaité donner à la jeunesse les moyens d’agir aux côtés des élus que nous sommes.
Les jeunes peuvent désormais, avec leurs propres représentants, formuler directement leurs attentes et leurs aspirations mais aussi s’exprimer sur tous les sujets qui ne concernent pas directement leur classe d’âge.
Tous ont su prendre la mesure du rôle qui est désormais le leur. Chacun d’entre eux exerce avec talent, avec un sens politique souvent très aigu et avec beaucoup d’engagement ses responsabilités.
Aujourd’hui, le thème de nos échanges est : « Les Droits de l’Homme, un combat politique ».
Ce combat que vous avez mené, cher confrère, tout au long de votre vie et de votre carrière d’avocat.
Ce combat qui doit être mené au quotidien par les citoyens et les élus que nous sommes.
Faire respecter les droits moraux des Corses
Aujourd’hui, comme je l’ai fait devant l’Assemblée de Corse le 30 mai, je veux rendre compte à l’Assemblea di a Giuventù, en quelques mots, de l’initiative que j’ai dû prendre récemment face à une polémique d’une rare violence.
Lorsqu’on lit certains propos, des insultes bien sûr, mais aussi des appels au meurtre en raison de l’appartenance à notre communauté, il est évident qu’il ne s’agit pas seulement de football. Je ne m’étendrai pas sur ces propos mais citerai simplement le fameux hashtag #Mortauxcorses.
Les attaques contre les Corses, nous y sommes habitués. Mais il y a longtemps que nous n’avions pas subi une campagne de haine comme celle-ci.
Vous le savez, le racisme anti-français, antimaghrébin ou l’antisémitisme sont heureusement condamnés par les tribunaux. Ce n’est pas le cas du racisme contre les Corses puisque la Cour de cassation a décidé en 2002 que les Corses n’entraient pas dans les catégories de personnes protégées par la loi de 1881. Le peuple corse n’existant pas aux yeux du Conseil constitutionnel, on peut dire et écrire n’importe quoi sur les Corses.
En tant que Président de l’Assemblée de Corse, j’ai reçu plusieurs appels ou courriers me demandant de tenter de faire respecter les droits moraux des Corses. Avocat de formation, j’ai toujours considéré que le droit a été inventé pour réguler les rapports en société. J’ai donc appelé les avocats corses, de Bastia, d’Ajaccio et ceux qui exercent ailleurs, à constituer un collectif pour assurer la protection légale des Corses, comme celle qui existe pour les autres peuples et confessions religieuses.
Ce collectif est désormais constitué et vous avez pu, cher confrère, vous entretenir avec ses membres ce matin. Il réfléchit actuellement aux différents types d’actions qui pourraient être menées, au niveau pénal et au niveau administratif. L’idée serait d’engager à nouveau des procès contre ceux qui insultent les Corses, de tenter de faire changer la position de la Cour de cassation et, si cela n’est pas possible, d’aller jusqu’à la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
De même, ce collectif rencontrera les députés et sénateurs de la Corse afin de réfléchir à une proposition de loi pour modifier le texte de 1881 en faveur de la protection des communautés territoriales et culturelles.
Déjà, la Ligue des Droits de l’Homme et l’association de lutte contre le racisme Avà Basta ont accepté de travailler aux côtés de ces avocats.
Voilà la démarche qu’il m’est paru utile de mener afin que les Corses soient défendus par le droit, qui me semble être l’outil le plus logique, le plus efficace et le plus sûr à utiliser en société.
Lorsqu’on lit certains propos, des insultes bien sûr, mais aussi des appels au meurtre en raison de l’appartenance à notre communauté, il est évident qu’il ne s’agit pas seulement de football. Je ne m’étendrai pas sur ces propos mais citerai simplement le fameux hashtag #Mortauxcorses.
Les attaques contre les Corses, nous y sommes habitués. Mais il y a longtemps que nous n’avions pas subi une campagne de haine comme celle-ci.
Vous le savez, le racisme anti-français, antimaghrébin ou l’antisémitisme sont heureusement condamnés par les tribunaux. Ce n’est pas le cas du racisme contre les Corses puisque la Cour de cassation a décidé en 2002 que les Corses n’entraient pas dans les catégories de personnes protégées par la loi de 1881. Le peuple corse n’existant pas aux yeux du Conseil constitutionnel, on peut dire et écrire n’importe quoi sur les Corses.
En tant que Président de l’Assemblée de Corse, j’ai reçu plusieurs appels ou courriers me demandant de tenter de faire respecter les droits moraux des Corses. Avocat de formation, j’ai toujours considéré que le droit a été inventé pour réguler les rapports en société. J’ai donc appelé les avocats corses, de Bastia, d’Ajaccio et ceux qui exercent ailleurs, à constituer un collectif pour assurer la protection légale des Corses, comme celle qui existe pour les autres peuples et confessions religieuses.
Ce collectif est désormais constitué et vous avez pu, cher confrère, vous entretenir avec ses membres ce matin. Il réfléchit actuellement aux différents types d’actions qui pourraient être menées, au niveau pénal et au niveau administratif. L’idée serait d’engager à nouveau des procès contre ceux qui insultent les Corses, de tenter de faire changer la position de la Cour de cassation et, si cela n’est pas possible, d’aller jusqu’à la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
De même, ce collectif rencontrera les députés et sénateurs de la Corse afin de réfléchir à une proposition de loi pour modifier le texte de 1881 en faveur de la protection des communautés territoriales et culturelles.
Déjà, la Ligue des Droits de l’Homme et l’association de lutte contre le racisme Avà Basta ont accepté de travailler aux côtés de ces avocats.
Voilà la démarche qu’il m’est paru utile de mener afin que les Corses soient défendus par le droit, qui me semble être l’outil le plus logique, le plus efficace et le plus sûr à utiliser en société.
Ethique de conviction et éthique de responsabilité
Autre sujet sur lequel je souhaitais revenir et qui concerne, lui aussi, les Droits de l’Homme, c’est celui de la position que nous avons prise concernant l’Aquarius, le bateau de SOS Méditerranée, qui transporte 629 personnes dont des femmes enceintes et des enfants. Ce sont là des affaires particulièrement complexes qui renvoient à ce que le sociologue Max Weber appelle l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité. En prenant la parole, il ne s’agissait pas pour nous de donner des leçons à qui que ce soit. Il s’agissait seulement de porter secours à des êtres humains en détresse. Pour cela, il me paraissait naturel d’ouvrir un port corse et d’y mettre à l’abri toutes ces personnes.
Ne rien dire alors qu’un drame se jouait, pas très loin de la Corse, aurait été contraire à ma conception des responsabilités politiques, contraire à ma conscience personnelle, contraire à mes adhésions spirituelles.
Cela aurait également été contraire à ce que nous sommes.
Pour son comportement pendant la seconde guerre mondiale, la Corse a été qualifiée d’île des Justes, notamment par Serge Klarsfeld, qui avait été reçu par l’Assemblée de Corse il y a quelques années.
Avant cela, il y a deux-cent cinquante ans, pendant la période d’indépendance, et alors que l’on votait déjà à Ile-Rousse comme dans toute la Corse, un juif se présenta et demanda lui aussi à voter. A cette époque, dans un pays chrétien, cela n’allait pas de soi. Face à cette demande, l’administration balanine consulta directement le chef de l’Etat, Pasquale Paoli, pour savoir ce qu’il convenait de faire. Celui-ci répondit sans hésitation : « En Corse, la liberté ne consulte pas l’Inquisition ». Un homme honnête, installé sur le territoire national, qu’il soit chrétien ou juif avait le droit de vote. C’est par cette réponse officielle que fût instituée, de façon particulièrement précoce, la tolérance religieuse en Corse.
Les historiens appellent ce fait « l’affaire du juif d’Ile-Rousse ». Il constitue pour nous un motif de fierté, d’autant que cette tolérance ne s’appliquait pas seulement aux juifs : lorsqu’un bateau tunisien connaissait une avarie près de l’île, Paoli lui envoyait des secours.
Ainsi, au-delà des deux affaires que je viens d’évoquer, plus généralement, je reste convaincu que c’est à nous tous, individuellement et collectivement, en prenant appui sur ce qu’il y a de meilleur dans notre parcours historique, qu’il appartient de faire vivre les principes des Droits de l’Homme et de les incarner dans leur dimension concrète, aujourd’hui et maintenant.
Ne rien dire alors qu’un drame se jouait, pas très loin de la Corse, aurait été contraire à ma conception des responsabilités politiques, contraire à ma conscience personnelle, contraire à mes adhésions spirituelles.
Cela aurait également été contraire à ce que nous sommes.
Pour son comportement pendant la seconde guerre mondiale, la Corse a été qualifiée d’île des Justes, notamment par Serge Klarsfeld, qui avait été reçu par l’Assemblée de Corse il y a quelques années.
Avant cela, il y a deux-cent cinquante ans, pendant la période d’indépendance, et alors que l’on votait déjà à Ile-Rousse comme dans toute la Corse, un juif se présenta et demanda lui aussi à voter. A cette époque, dans un pays chrétien, cela n’allait pas de soi. Face à cette demande, l’administration balanine consulta directement le chef de l’Etat, Pasquale Paoli, pour savoir ce qu’il convenait de faire. Celui-ci répondit sans hésitation : « En Corse, la liberté ne consulte pas l’Inquisition ». Un homme honnête, installé sur le territoire national, qu’il soit chrétien ou juif avait le droit de vote. C’est par cette réponse officielle que fût instituée, de façon particulièrement précoce, la tolérance religieuse en Corse.
Les historiens appellent ce fait « l’affaire du juif d’Ile-Rousse ». Il constitue pour nous un motif de fierté, d’autant que cette tolérance ne s’appliquait pas seulement aux juifs : lorsqu’un bateau tunisien connaissait une avarie près de l’île, Paoli lui envoyait des secours.
Ainsi, au-delà des deux affaires que je viens d’évoquer, plus généralement, je reste convaincu que c’est à nous tous, individuellement et collectivement, en prenant appui sur ce qu’il y a de meilleur dans notre parcours historique, qu’il appartient de faire vivre les principes des Droits de l’Homme et de les incarner dans leur dimension concrète, aujourd’hui et maintenant.
Le rapprochement des prisonniers, une priorité
C’est pourquoi je ne peux conclure mon propos sans évoquer la lettre publique d’Alain Ferrandi et de Pierre Alessandri, prisonniers corses se voyant refuser le rapprochement sur l’île qui leur est dû.
En tant que Président de l’Assemblée de Corse, j’ai rappelé à tous les représentants du gouvernement que j’ai rencontrés que le rapprochement des prisonniers politiques constituait une priorité. Le 6 février dernier, j’ai fait observer au Président Macron que la situation faite à ces prisonniers relevait d’une loi non écrite leur étant spécialement destinée, ce qui est à l’évidence contraire au droit et aux valeurs républicaines universelles.
Je ne manquerai pas de le réaffirmer jusqu’à l’application du droit et de la justice.
À ringrazià vi.
En tant que Président de l’Assemblée de Corse, j’ai rappelé à tous les représentants du gouvernement que j’ai rencontrés que le rapprochement des prisonniers politiques constituait une priorité. Le 6 février dernier, j’ai fait observer au Président Macron que la situation faite à ces prisonniers relevait d’une loi non écrite leur étant spécialement destinée, ce qui est à l’évidence contraire au droit et aux valeurs républicaines universelles.
Je ne manquerai pas de le réaffirmer jusqu’à l’application du droit et de la justice.
À ringrazià vi.