André Fazi et Ornella Graziani ont animé, le 12 juillet au Musée de la Corse à Corti, la 4ème conférence sur les thèmes suivants "40 ans d'élections à l'Assemblée de Corse" et "Blocs et familles politiques, se redéfinir par l'Assemblée".
"40 ans d'éléctions à l'Assemblée de Corse", par André Fazi
Depuis 1982 et la première élection de l’Assemblée de Corse, le système politique de l’île a été bouleversé. L’utilisation du scrutin proportionnel, bien plus favorable aux acteurs à la représentativité faible ou moyenne, s’est immédiatement traduite par la fragmentation du système de partis insulaire. Alors que la compétition politique opposait traditionnellement deux grands réseaux d’élus – l’un inscrit à gauche, l’autre à droite –, formant un duopole quasi-hégémonique, ce sont non moins de 17 listes qui se sont opposées lors des premières élections de 1982.
À cette fragmentation est venue se conjuguer une territorialisation (ou une dénationalisation) du système de partis. Lors des élections à l’Assemblée de Corse, la place des partis nationaux dans l’île a progressivement régressé durant les années 1980 et 1990, avec l’irruption de plusieurs forces refusant toute affiliation nationale, tout en ne s’inscrivant pas dans le champ du nationalisme corse. À partir des années 2000, on a observé de plus en plus souvent des absences d’investitures nationales, du fait du très net refus d’acteurs à qui elles étaient pourtant promises.
Enfin, les onze élections à l’Assemblée de Corse ont aussi démontré que le comportement des électeurs corses était beaucoup plus instable qu’on ne le croyait généralement. Les clivages idéologiques – ou du moins programmatiques – y apparaissent plus saillants que lors des scrutins municipaux, départementaux, voire même législatifs, et cela peut expliquer au moins en partie les fortes variations dans les résultats. En tout cas, ces variations indiquent que les électeurs corses sont loin d’être tous conditionnés essentiellement par des liens interpersonnels et/ou clientélistes très difficiles à remettre en question. Ils sont des électeurs de plus en plus mobiles, ce que l’augmentation globale de l’abstention tend à souligner aussi.
À cette fragmentation est venue se conjuguer une territorialisation (ou une dénationalisation) du système de partis. Lors des élections à l’Assemblée de Corse, la place des partis nationaux dans l’île a progressivement régressé durant les années 1980 et 1990, avec l’irruption de plusieurs forces refusant toute affiliation nationale, tout en ne s’inscrivant pas dans le champ du nationalisme corse. À partir des années 2000, on a observé de plus en plus souvent des absences d’investitures nationales, du fait du très net refus d’acteurs à qui elles étaient pourtant promises.
Enfin, les onze élections à l’Assemblée de Corse ont aussi démontré que le comportement des électeurs corses était beaucoup plus instable qu’on ne le croyait généralement. Les clivages idéologiques – ou du moins programmatiques – y apparaissent plus saillants que lors des scrutins municipaux, départementaux, voire même législatifs, et cela peut expliquer au moins en partie les fortes variations dans les résultats. En tout cas, ces variations indiquent que les électeurs corses sont loin d’être tous conditionnés essentiellement par des liens interpersonnels et/ou clientélistes très difficiles à remettre en question. Ils sont des électeurs de plus en plus mobiles, ce que l’augmentation globale de l’abstention tend à souligner aussi.
Biographie d'André Fazi
André Fazi est maître de conférences en science politique à l’Université de Corse et à l’UMR CNRS 6240 LISA.
Sa recherche est essentiellement consacrée aux relations État-région en Europe occidentale, particulièrement dans les territoires insulaires, et encore plus particulièrement en Corse. Il a dirigé, avec Nicolas Kada, Les collectivités territoriales à statut particulier en France.
Les enjeux de la différenciation (Peter Lang, 2022). Il est l’auteur d’articles dans Comparative Political Studies, Nationalism and Ethnic Politics, International Journal of the Sociology of Language, Commonwealth and Comparative Politics, Pôle Sud, Critique Internationale, etc.
Sa recherche est essentiellement consacrée aux relations État-région en Europe occidentale, particulièrement dans les territoires insulaires, et encore plus particulièrement en Corse. Il a dirigé, avec Nicolas Kada, Les collectivités territoriales à statut particulier en France.
Les enjeux de la différenciation (Peter Lang, 2022). Il est l’auteur d’articles dans Comparative Political Studies, Nationalism and Ethnic Politics, International Journal of the Sociology of Language, Commonwealth and Comparative Politics, Pôle Sud, Critique Internationale, etc.
"Blocs et familles politiques, se définir par l’Assemblée", par Ornella Graziani
En quarante années, l’apparition de structures sur le modèle de ce qu’on rencontre sur le plan national, et la consolidation du phénomène nationalitaire ont considérablement modifié le paysage politique insulaire. La création de l’Assemblée de Corse en 1982 a, quant à elle, constitué un tournant institutionnel majeur et a clairement participé à redessiner les contours des mouvements politiques.
Nous chercherons à revenir, dans notre intervention, sur la place de l’institution dans les formes de définition et redéfinition des structures politiques en Corse. Nous exposerons à cette occasion deux éléments qui nous paraissent déterminants :
Le premier c’est évidemment le mode de scrutin. C’est lui qui a permis la construction de nouveaux blocs. Avec le choix de séparer la Corse de la future région PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur) et la bi-départementalisation, il a fallu attendre, les années 1980, pour découvrir un nouveau mode de scrutin qui allait permettre l’ouverture de l’espace politique à des mouvements jusque-là marginalisés. La proportionnelle est, en effet, pointée par les chercheurs comme un élément essentiel pour comprendre l’intérêt de cette institution : « En 1982, la création d’une collectivité régionale élue au scrutin proportionnel a mis fin à un bipartisme monopolistique, en permettant la représentation des outsiders bien au-delà des nationalistes. » (Fazi 2015).
Le second c’est le fonctionnement de l’institution lui-même, tel que va le permettre la constitution de ces nouveaux blocs. La pratique proportionnelle nécessite, à l’évidence, des adaptations de la ligne doctrinale des partis ou mouvements et apporte un renouveau politique par l’obligation de trouver des compromis pour constituer une majorité. Rentrer dans l’assemblée et découvrir l’institution, c’est donc s’allier à de nouvelles forces ou encore fonctionner en bloc (dans un système partisan souple, voire souvent inexistant). Réfléchir sur les relations internes oblige à voir les conséquences sur les modes d’organisations du travail politique à l’aune du triptyque : expertise, confiance et soutiens partisans (Nicourd).
On comprend la raison qui fait juger désormais l’élection territoriale comme capitale par les responsables politiques de tous bords. Il s’agira ici pour nous de replacer l’Assemblée et son mode d’élection au centre de la définition des courants politiques corses.
Nous chercherons à revenir, dans notre intervention, sur la place de l’institution dans les formes de définition et redéfinition des structures politiques en Corse. Nous exposerons à cette occasion deux éléments qui nous paraissent déterminants :
Le premier c’est évidemment le mode de scrutin. C’est lui qui a permis la construction de nouveaux blocs. Avec le choix de séparer la Corse de la future région PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur) et la bi-départementalisation, il a fallu attendre, les années 1980, pour découvrir un nouveau mode de scrutin qui allait permettre l’ouverture de l’espace politique à des mouvements jusque-là marginalisés. La proportionnelle est, en effet, pointée par les chercheurs comme un élément essentiel pour comprendre l’intérêt de cette institution : « En 1982, la création d’une collectivité régionale élue au scrutin proportionnel a mis fin à un bipartisme monopolistique, en permettant la représentation des outsiders bien au-delà des nationalistes. » (Fazi 2015).
Le second c’est le fonctionnement de l’institution lui-même, tel que va le permettre la constitution de ces nouveaux blocs. La pratique proportionnelle nécessite, à l’évidence, des adaptations de la ligne doctrinale des partis ou mouvements et apporte un renouveau politique par l’obligation de trouver des compromis pour constituer une majorité. Rentrer dans l’assemblée et découvrir l’institution, c’est donc s’allier à de nouvelles forces ou encore fonctionner en bloc (dans un système partisan souple, voire souvent inexistant). Réfléchir sur les relations internes oblige à voir les conséquences sur les modes d’organisations du travail politique à l’aune du triptyque : expertise, confiance et soutiens partisans (Nicourd).
On comprend la raison qui fait juger désormais l’élection territoriale comme capitale par les responsables politiques de tous bords. Il s’agira ici pour nous de replacer l’Assemblée et son mode d’élection au centre de la définition des courants politiques corses.
Biographie d'Ornella Graziani
ATER en Droit Public et Doctorante en Science Politique à l’Università di Corsica Pasquale Paoli en codirection avec l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (UMR LISA, EMRJ, CESSP), sa thèse porte sur l’Institutionnalisation du Nationalisme Corse, son milieu partisan et les évolutions de son personnel politique. En 2013, elle obtient une double licence en Histoire Science Politique, puis deux masters l’un en Administration Publique et l’autre en recherche en Science Politique/ Sociologie des Institutions à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Ses travaux portent sur les logiques de l’engagement et les organisations politiques.
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