Monsieur le Président du Conseil exécutif de Corse, cher Gilles,
Madame la Maire de Piana, chère Aline,
Madame la Préfète,
Chère Isaline Amalric,
Cher Hyacinthe Choury,
Cari ghjuvanotti,
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Nous voici réunis, cette année encore, pour célébrer la mémoire de Danielle Casanova et – à travers elle – de toutes celles et ceux qui, dans la nuit de l’occupation, ont su allumer une étincelle d’espoir. Celles et ceux qui ont fait émerger l’indestructible part d’humanité enfouie dans les tréfonds d’un monde alors dominé par la force barbare.
Celles et ceux qui ont su dire non.
Parmi ces femmes et ces hommes, il en est de célèbres comme l’héroïne à laquelle nous rendons hommage aujourd’hui. D’autres ont été quelque peu oubliés, au point d’être ignorés par Google, désormais érigé en arbitre planétaire des élégances et des mérites moraux. C’est à peu près le cas d’une personne dont j’ai eu envie de vous parler aujourd’hui et sur laquelle Internet vous apprendra bien peu de choses.
Toussaint Pierucci fut élu maire de Corti dans les années 1950, mais ce n’est pas pour cela – vous vous en doutez bien – que je voulais évoquer ce personnage. Ce n’est pas non plus en raison de cette fonction élective mais pour des faits liés à son parcours de magistrat qu’en 2016 une promotion de l’Ecole Nationale de la Magistrature a été baptisée « Toussaint Pierucci ».
Deux épisodes de sa vie illustrent son inclination à refuser de se rendre complice d’une injustice.
Le premier a pour contexte la création des fameuses « sections spéciales », juridictions créés comme on le sait, en 1941, par le gouvernement de Vichy, à la suite de l’action restée dans l’histoire sous le nom d’attentat du métro Barbès. Cette création, du reste effectuée au moyen d’une loi antidatée, était destinée à réprimer de la façon la plus dure, par des décisions non motivées, sans possibilité d’appel ou de pourvoi, les « activités communistes et anarchistes ». Pour les besoins de cette sinistre cause, la loi s’appliquerait à des faits intervenus antérieurement à sa promulgation, bafouant ainsi le principe bien établi de non-rétroactivité.
À Aix-en-Provence, le Président de chambre Toussaint Pierucci est désigné pour siéger dans cette singulière juridiction, ce qu’il refuse résolument, et ce au moment où de nombreux juristes acceptent sous la pression de valider la violation des principes juridiques les plus essentiels.
Dans le film du réalisateur Costa Gavras consacré à cette fameuse « Section spéciale », le Président Pierucci est présent sous le nom de Jean Cournet et sous les traits de l’acteur Michel Galabru. Peu de cinéphiles connaissent la véritable identité de ce magistrat courageux.
Encore moins nombreux sont ceux qui savent que quelques années plus tard, au moment de la Libération, Toussaint Pierucci, présidant une Cour chargée de juger les collaborateurs, avait vainement tenté d’épargner la vie d’un jeune homme de dix-sept ans, certes coupable de collaboration mais n’ayant commis aucun crime de sang. La Cour s’étant refusé à le suivre et ayant prononcé la peine de mort, Toussaint Pierucci omit volontairement de signer l’arrêt et engagea par ces mots l’avocat de la défense à en tirer parti : « Maître, j’ai fait mon devoir, faîtes le vôtre ». Un pourvoi en cassation était donc formé, qui devait aboutir à l’annulation de l’arrêt. Jugé plus tard dans une situation apaisée, le jeune homme eut la vie sauve.
Voilà deux épisodes méconnus de la vie d’un homme qui fit, par deux fois, acte de désobéissance, quand sa conception de la vie et de son métier était en jeu.
En 2015, le politiste Olivier Duhamel lui rendait hommage dans une revue juridique sous le titre « L’histoire aussi extraordinaire que méconnue du juge Pierucci ». Je crois aussi que son parcours mérite d’être connu au-delà d’un cercle d’initiés.
J’ai pensé que tout cela n’était pas sans lien avec notre propos de ce jour, ni même, malheureusement, avec les temps que nous traversons aujourd’hui.
Je vous remercie.
Madame la Maire de Piana, chère Aline,
Madame la Préfète,
Chère Isaline Amalric,
Cher Hyacinthe Choury,
Cari ghjuvanotti,
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Nous voici réunis, cette année encore, pour célébrer la mémoire de Danielle Casanova et – à travers elle – de toutes celles et ceux qui, dans la nuit de l’occupation, ont su allumer une étincelle d’espoir. Celles et ceux qui ont fait émerger l’indestructible part d’humanité enfouie dans les tréfonds d’un monde alors dominé par la force barbare.
Celles et ceux qui ont su dire non.
Parmi ces femmes et ces hommes, il en est de célèbres comme l’héroïne à laquelle nous rendons hommage aujourd’hui. D’autres ont été quelque peu oubliés, au point d’être ignorés par Google, désormais érigé en arbitre planétaire des élégances et des mérites moraux. C’est à peu près le cas d’une personne dont j’ai eu envie de vous parler aujourd’hui et sur laquelle Internet vous apprendra bien peu de choses.
Toussaint Pierucci fut élu maire de Corti dans les années 1950, mais ce n’est pas pour cela – vous vous en doutez bien – que je voulais évoquer ce personnage. Ce n’est pas non plus en raison de cette fonction élective mais pour des faits liés à son parcours de magistrat qu’en 2016 une promotion de l’Ecole Nationale de la Magistrature a été baptisée « Toussaint Pierucci ».
Deux épisodes de sa vie illustrent son inclination à refuser de se rendre complice d’une injustice.
Le premier a pour contexte la création des fameuses « sections spéciales », juridictions créés comme on le sait, en 1941, par le gouvernement de Vichy, à la suite de l’action restée dans l’histoire sous le nom d’attentat du métro Barbès. Cette création, du reste effectuée au moyen d’une loi antidatée, était destinée à réprimer de la façon la plus dure, par des décisions non motivées, sans possibilité d’appel ou de pourvoi, les « activités communistes et anarchistes ». Pour les besoins de cette sinistre cause, la loi s’appliquerait à des faits intervenus antérieurement à sa promulgation, bafouant ainsi le principe bien établi de non-rétroactivité.
À Aix-en-Provence, le Président de chambre Toussaint Pierucci est désigné pour siéger dans cette singulière juridiction, ce qu’il refuse résolument, et ce au moment où de nombreux juristes acceptent sous la pression de valider la violation des principes juridiques les plus essentiels.
Dans le film du réalisateur Costa Gavras consacré à cette fameuse « Section spéciale », le Président Pierucci est présent sous le nom de Jean Cournet et sous les traits de l’acteur Michel Galabru. Peu de cinéphiles connaissent la véritable identité de ce magistrat courageux.
Encore moins nombreux sont ceux qui savent que quelques années plus tard, au moment de la Libération, Toussaint Pierucci, présidant une Cour chargée de juger les collaborateurs, avait vainement tenté d’épargner la vie d’un jeune homme de dix-sept ans, certes coupable de collaboration mais n’ayant commis aucun crime de sang. La Cour s’étant refusé à le suivre et ayant prononcé la peine de mort, Toussaint Pierucci omit volontairement de signer l’arrêt et engagea par ces mots l’avocat de la défense à en tirer parti : « Maître, j’ai fait mon devoir, faîtes le vôtre ». Un pourvoi en cassation était donc formé, qui devait aboutir à l’annulation de l’arrêt. Jugé plus tard dans une situation apaisée, le jeune homme eut la vie sauve.
Voilà deux épisodes méconnus de la vie d’un homme qui fit, par deux fois, acte de désobéissance, quand sa conception de la vie et de son métier était en jeu.
En 2015, le politiste Olivier Duhamel lui rendait hommage dans une revue juridique sous le titre « L’histoire aussi extraordinaire que méconnue du juge Pierucci ». Je crois aussi que son parcours mérite d’être connu au-delà d’un cercle d’initiés.
J’ai pensé que tout cela n’était pas sans lien avec notre propos de ce jour, ni même, malheureusement, avec les temps que nous traversons aujourd’hui.
Je vous remercie.